5 : Mulanojustine

433 7 3
                                    

Le lendemain, je me réveillais sous un soleil radieux. La villa était déserte ou presque, lorsque je descendis l'escalier double colimaçons pour aller prendre le petit déjeuner, Pierre m'attendait devant les tranches d'ananas précoupées et des carafes de jus de fruit fraîchement pressé. Il me coula un sourire, presque timide, et me tendis un verre. Je m'en saisis en le remerciant et lui fit admirer mes compétences de descente hors du commun que procure l'environnement si éducatif de la STMG.

- Tu as bien dormi? s'enquiert-il en s'installant à l'autre bout de la table.

- Merci, je réponds en m'installant devant un plat de petits pains au chocolat qui me donnent presque envie de pleurer tant ils sont misérables. Ma France et ses compétences culinaires me manquent. 

- Justine, que se passe-t-il? s'inquiète Pierre.

J'écarte ses inquiétudes du revers de la main et commence à me servir en ananas. Je n'ose rencontrer son regard; par peur que mon coeur recommence à s'emballer, que je perde mes moyens.

- Eh bien, j'avais... j'ai quelque chose pour toi, reprends-t-il en se versant du jus à son tour. Euh, pour vous. Je pensais...

Je relève les yeux vers lui. Ses pommettes sont colorées et il se passe une main nerveuse dans les cheveux, n'osant pas me regarder, l'air très concentré sur la tâche draconique de ne pas renverser du jus sur la nappe blanche. 

- Oui...? l'encourage-je doucement.

Ses yeux croisent les miens. Mon coeur rate un battement et l'atmosphère autour de nous se charge d'une électricité que je n'ose tenter de comprendre.

- La prochaine course est à Monaco, dit-il. Dans deux semaines. Matthias m'a raconté... enfin, de ce que j'ai compris, tu n'as pas pu profiter correctement de celle-ci. Et puis, avec tous vos problèmes de train et de grève... 

- Fuck les retraités, je coupe, sentant la moutarde me monter au nez. 

- Euh, oui. Enfin. Bon, voilà, j'aimerais t'in... vous inviter à me rejoindre à Monaco, profiter de la dernière course de la saison. Et, peut-être, de mon titre, ajoute-t-il avec un sourire gêné.

Je ne peux qu'acquiescer, mon cerveau est en ecstasie: je vais aller à MONACO, terre du flouz et des criminels fiscaux, lande des banques et des milliardaires! Oh, et je vais voir la course, aussi. C'est sympa.

La journée passe rapidement et Pierre nous fait venir un avion, un jet privé, pour nous renvoyer en France moi et Matthias. Nous nous disons au revoir sur le tarmac et je sens sa main effleurer la mienne alors que je monte dans l'avion. Je veux me retourner, lui ajouter quelque chose; mais la quantité de Danielle Steel que j'ai ingurgitée dans ma vie m'en empêche. Je sais ce qu'il se passera si je me retourne. L'inévitable.

Je ne me retourne pas.

****

Une semaine et demi plus tard, c'est le grand jour. Je me prépare à embarquer dans l'avion pour Monaco, et oui encore un avion, les écolos peuvent aller reprendre leurs trains toujours en grève, j'en ai ras la casquette moi. Matthias n'est pas avec moi car j'ai réussi, après une semaine de dure labeur, à lui faire se casser la jambe pour aller seule à Monaco. L'idée de revoir Pierre me mets dans tous mes émois, mais je me force à ne pas trop y penser.

Lorsque je débarque à Mona, comme la surnomment ces habitants dont je me sens déjà très proche, la chaleur m'entoure et m'étouffe. Les agents de sécurité se crient après, font des grands gestes et cela me donne le tourni. 

Mais ce n'est rien en comparaison du tournis que me donne Pierre lorsqu'il surgit soudain de la foule, t-shirt noir moulant ses abdos et lunettes noires, l'air stressé. Il me prends par l'épaule, m'embrasse légèrement sur chaque joue. 

L'été où je suis devenue célèbre || PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant