2 : Le grand prix

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Le lendemain, nous faisons un peu de tourisme, mais déchantons bientôt: nous ne rencontrons que des flamands, qui ne semblent pas enchantés de faire la connaissance de quelques cousins francophones, et nous font délicatement savoir ce qu'ils pensent de notre venue. J'ai bien envie de leur répondre qu'après tout, ce sont les pigeons comme nous qui faisons tourner leur économie pourrie, tout comme ma patrie d'origine dépend des Chinois et des Anglais pour payer la facture d'électricité de la tour Eiffel, mais mon opinion bien sentie se perd dans les méandres de traductions hasardeuses, et nous préférons faire demi-tour.

Nous passons devant le Manneken-Pis, ce qui fait beaucoup rire Matthias qui le poste immédiatement sur sa story instagram. Je roule des yeux. 

La journée file sous nos pieds sans que l'on s'en aperçoive; et bientôt, nous nous embarquons dans un bus direction Spa-Francorchamps. Nous sommes en compagnie de fans, qui arborent les couleurs de leurs écuries, l'ambiance est bon enfant et ça me redonne le sourire: ça chante de partout, les louanges de leurs pilotes ou les prédictions pour la course, ça se chambre et pérore sous ses blasons. 

Le circuit de Spa est immense et grouille de monde. Les gradins fourmillent, alors que nous présentons nos tickets à un vigile et nous trouvons des places juste devant la grille de départ et le podium surélevé. La piste est comme un long serpent de macadam noir. 

L'ambiance est bouillante, les sièges aussi. Helios ce batard tape sur ma tête aussi fort que Zizou sur Materazzi. Heureusement que ma super casquette protège un minimum. Mais rapidement le soleil se met face à nous. C'est là que je réalise que je n'ai pris que mes lunettes de soleil coeur et que, quand bien même l'opinion des belges est le moindre mes soucis, je préfère éviter de croiser mes idoles avec ça sur la figure. Tiens d'ailleurs, voilà Pierre Gasly qui arrive sur la piste, qu'est-ce qu'il est beauuuuuuuuuuu ! Il monte dans sa voiture avec un telle grace, je sens que je deviens aussi rouge que son écurie concurrente. *pan* *vroum vroum* voilà la course qui commence.

Quelques tours plus tard, le soleil revient à la charge avec un angle fourbe, les rayons semblent attirés par mes yeux noisettes et tapent en plein dans le mille. La parade à un aveuglement certain est de baisser la tête, et pour allier l'utile à l'agréable je sors le dernier Danielle Steel, que mon incroyable et magnifique amie taupine m'a offert. 

Soudainement, Matthias me tape l'épaule, je déteste ça et je sursaute. Mon regard est assez expressif, il se sent obligé de se justifier:

"la course est finie

- QUOI ????

- ouais c'est Pierre qui a gagné, il a été sur le podium et tout, et puis là on s'en va 

- tu rigoles

- non. On aurait même dit qu'il t'a vu quand il était sur le podium, il a regardé pile dans notre direction 

-..."

Le suicide guettait. En effet, inconsciemment j'avais placé mes magnifiques lunettes rose sur ma tête pour ne plus être dérangée par les caresses d'Hélios. Mais bon, on n'est pas dans une fan fic je sais très bien qu'il ne m'a pas vue. 

(Pendant ce temps là dans la tête de Pierre : "oh lala mais qui était donc cette magnifique inconnue insensible à ma victoire qui lisait dans la foule. J'admire sa concentration. Ses lunettes en plus wow")

J'avais gâché ma seule et unique chance de suivre une course de f1; d'autant plus qu'apparemment la bataille avait été acharnée. Avec cette victoire, Pierre revenait au même nombre de point que Charles Leclerc, le monégasque évasé fiscal, et la dernière course de l'année allait être déterminante pour le podium. La mort dans l'âme je repars avec l'autre en direction de l'hôtel.

L'été où je suis devenue célèbre || PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant