La nuit est tombée sur le camp improvisé par la caravane marchande. Edward est parti de son côté faire une ronde, laissant Virginya près du feu de camp fréquemment réalimenté par Ellena. Il s'est équipé des lunettes à vision nocturne pour ne pas allumer de lumière pendant qu'il rôde dans les ténèbres, faisant le moins de bruit possible.
Gin et lui n'ont pas échangé le moindre mot depuis leur altercation. Malgré qu'il tente de ne pas y repenser, lorsqu'il ferme les yeux il voit encore la jeune femme s'effondrant devant lui, les larmes coulant sur ses joues. Pourquoi est-ce qu'elle a réagi comme ça ? Il n'est pas vraiment le meilleur en relations humaines. Il les évite au maximum. C'est quelque chose de naturel chez lui. On pourrait presque dire que c'est inné.
Edward secoue la tête pour arrêter de réfléchir, effacer l'image de cette femme qui trotte dans son esprit. Il s'arrête au détour d'un couloir et s'approche de la fenêtre pour observer le ciel noir au-dessus de lui. Des flocons ont commencé à tomber, les routes vont être difficilement praticables le lendemain et la visibilité n'en sera que plus mauvaise. La brume commence même à s'étendre sur les caravanes en contrebas, masquant le feu crépitant au centre.
« Alors, Edward, tout va bien ? demande Ellena lorsqu'il s'assoit près du feu quelques minutes plus tard.
-La brume est une plaie. Il sera tout autant à notre avantage qu'à d'éventuels pillards cachés dans les ruines. Il faudra faire attention. »
La femme hoche la tête et attise un peu les flammes devant elle. Elle se penche et prend une casserole dans laquelle des œufs brouillés ont été préparés. Elle la tend vers Edward qui la regarde un instant avant de la prendre sans dire un mot et commencer à manger. Une fois qu'il ne reste plus rien, elle brise le silence :
« Dites-moi, Edward. Vous m'avez demandé d'accepter d'aller vers le bastion du Marais. Maintenant que nous sommes loin de votre campement vous pouvez me faire part de la raison qui vous a poussé à nous y accompagner ?
-Nous... Nous n'allons pas nous rendre au bastion du Marais.
Un sourire se dessine au coin des lèvres de la femme.
-Je me doutais qu'il s'agirait de quelque chose de la sorte. Vous souhaitez donc désobéir aux ordres de votre supérieur pour nous permettre de rejoindre l'Est de la ville ? Vous y trouvez un quelconque intérêt ?
-Si je le fais ce n'est pas par bonté d'âme. Une fois à la sortie de la ville je vous laisserai partir de votre côté et je m'en irai commencer une nouvelle vie ailleurs. Je ne vous demanderai aucun paiement »
Edward plonge son regard dans celui de la femme. Elle le sonde. Il le sent et il n'aime pas cette sensation.
« Vous souhaitez quitter la sécurité de votre foyer pour devenir un nomade ? Vous voulez voir le soleil se lever chaque matin comme s'il était le dernier qui vous était donné de voir ?
-Sans doute.
-Une réponse bien évasive. Vous rêvez de quelque chose d'autre, Edward. N'est-ce pas ? De liberté ? D'aventure ? De frisson ?
-Mes rêves ne regardent que moi. Je ne vois pas ce qu'ils pourraient apporter à votre vie.
-Il est vrai que je pose des questions très personnelles... Pardonnez-moi. »
Un nouveau silence tombe sur le camp, parfois brisé par le vent sifflant entre les bâtiments. Ellena fini par se lever et s'éloigner du feu pour aller chercher un sac à dos. Elle s'installe près d'Edward, presque collé à lui, et plonge sa main dans le sac qu'elle vient de ramener.
« Vous avez le droit de ne pas partager vos rêves avec moi. Mais je tiens à partager le mien avec vous. Si vous m'y autorisez, bien entendu. »
Il hausse les épaules et son regard alterne entre la femme et le sac. Lorsqu'elle en sort sa main, les yeux d'Edward s'écarquillent. Elle tient entre ses mains une bouteille en verre, parfaitement intacte, fermée par un bouchon de liège. De la terre tapisse le fond, et au milieu quelques brins d'herbe verts ont poussé. En son centre, quelques petites fleures encadrent une autre plus grande, aux pétales rouges et orange. Edward tend les doigts et frôle la surface glacée de la bouteille, émerveillé par ce qu'il a sous les yeux. Une fleur. Une véritable merveille... Cela fait des décennies que rien ne pousse sur cette terre gelée... Et il est impensable d'allouer une jardinière à des fleurs dans un campement, les fruits et légumes sont bien plus importants !
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Les Neiges Eternelles
AdventureDans un monde sans pitié, Edward n'aspire qu'à un peu de paix... Les Neiges Eternelles. Ceux qui tentent d'y survivre en solitaire sont de plus en plus rares. Mais lorsqu'un espoir naît d'une simple bouteille contenant une fleur depuis longtemps dis...