30

33 5 0
                                    






-On est aussi heureux que nous l'avions imaginé, clamais-je en posant ma main sur celle de Lino.

    Ces mots avaient franchis le seuil de mes lèvres sans que je m'en rende compte. Apparement, l'entraînement que m'avait fait subir Feliciano était plus fort que mes émotions : les apparences avant tout.
    Leïla regardait nos mains tout en sirotant son cocktail. Lorsqu'elle détournait le regard, je retirais ma main aussitôt. Son contact me brûlait la peau.
Je m'essuyais la main sur mon pantalon comme si je voulais effacer toute trace de lui.

    Heureusement, je n'étais pas en face de lui. Je ne voulais pas voir la tête qu'il faisait. Je ne voulais pas voir la façon dont il allait me regarder. Je savais que, lui aussi, allait sauver les apparences. Qu'il me regarderait un peu trop intensément et que je tomberais à nouveau les pieds joints.
    Angoissée, j'essuyais encore mes mains sur mes cuisses. Avais-je pris mon traitement, aujourd'hui ?

-Alors, qu'est-ce que ça fait d'être à la tête de sa famille ?

    C'était l'homme qui était avec Leïla qui m'avait posé cette question. J'avais fini par comprendre qu'il était son frère lorsqu'un des serveurs l'avait appelé « Monsieur Boumena ».

-C'est plutôt à toi qu'il faudrait poser cette question, Eden, intervenait Lino.

    Eden souriait. Il partageait les yeux verts de Leïla, ainsi que son sourire radieux. Toutefois, il avait un nez romain. Ses cheveux étaient visiblement mi-longs, étant donné qu'ils étaient attachés en un chignon bas.

-Tu connais déjà la réponse, mon ami. C'est bien pour ça que j'ai posé la question à ta femme.

    Mon sang se glaçait. Je ne pouvais plus entendre ce mot.

-Ils sont seulement fiancés, Eden.

    Leïla. En même temps, qui d'autre ? Sa réflexion m'agaçait, tout autant que l'accent qu'elle avait mit sur le « seulement ». Mais elle avait raison. Nous n'étions « seulement » fiancés. Et aveuglée par la situation j'en avais oublié qu'il ne fallait pas que ça arrive au mariage. Qu'il fallait que je fasse tout pour rompre ces fiançailles. Après tout, maintenant que je connaissais la position de Lino me concernant, ça n'allait plus être un soucis. Peut-être qu'au fond, lui aussi voulait en finir.

    Eden hochait la tête en souriant. Leïla engageait la conversation avec Lino, lui posant de nombreuses questions. Tant mieux. Ça évitait que l'attention soit sur moi.
Ce dîner m'épuisait, bien qu'il ait l'air appétissant. Je sentais un coup de fatigue immense approcher.

-Serafina, entendais-je Eden m'appeler discrètement.

Je relevais la tête vers lui, tombant directement ses billes vertes.

-Est-ce que ça va ? On dirait que tu vas tomber dans les pommes.

J'hochais la tête.

-Ça ne va pas ? demandait Lino immédiatement.

Il se tournait vers moi brusquement et posait sa main dans mon dos me faisant sursauter. Le fait qu'il m'adresse la parole faisait louper un battement à mon coeur. Encore un lorsqu'il remettait une mèche de mes cheveux qui s'était échappée derrière mon oreille. J'eus un presque imperceptible mouvement de recul, aussi léger soit-il, il l'avait remarqué.
C'était douloureux.

-Ça va, me contentais-je de répondre.

Je lui souriais, comme je savais si bien le faire. Mais aujourd'hui, Lino me connaissait bien mieux qu'avant. Il savait distinguer le vrai et le faux.

The Wolf On The LooseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant