De hauts nuages noirs s'élevaient face à l'horizon, occultant peu à peu le ciel de Brotnerr pourtant déjà sombre. Des roulements de tonnerre constants résonnaient entre les parois des pics volcaniques. Mais ni les colonnes de fumée, ni les tambours sinistres n'étaient provoqués par une quelconque éruption.
Une bataille était en train d'avoir lieu. Une bataille aux proportions et aux enjeux démentiels, à laquelle aucun habitant de la planète ne pouvait échapper. Il n'y avait pas un endroit où l'œil se posait qui avait été épargné par les empreintes et les stigmates du conflit. Les villes et les villages étouffaient sous les bombardements ou l'oppression des sièges. Les cadavres des combattants s'amoncelaient dans les rues, tandis que les vallées et les plaines reculées, bien qu'inhabitées, étaient recouvertes par des décombres d'explosions. Même les sommets des volcans étaient scarifiés de cratères et d'épaves de vaisseaux.
Au milieu de cette apocalypse, cachés entre deux crêtes montagneuses, des tentes et autres abris de fortune avaient été dressés à même le parterre rocheux. Le campement était bien trop petit pour accueillir décemment les dizaines de Brotnerriens qui y grouillaient. C'était cependant le prix à payer pour survivre : une base plus grande aurait ruiné leur discrétion et dévoilé leur position à l'ennemi. Matoa avait d'ailleurs eu du mal à trouver cet endroit.
Escorté par une petite douzaine de soldats fidèles avec lesquels il était revenu sur sa planète, il se trouvait sur la pente raide d'un volcan dominant le paysage. Tous les membres de cette compagnie étaient enveloppés de larges capes brunes à capuche, grâce auxquelles ils passaient inaperçus en voyageant à travers les monts terreux et constellés de minéraux de Brotnerr.
La petite troupe descendit alors de son poste d'observation, et elle emprunta un chemin sinueux qui menait jusqu'aux frêles installations de toile tendue. L'accueil qu'ils y reçurent fut glacial. À mesure que Matoa et ses compagnons pénétraient dans le camp, l'effervescence s'y dissipait, laissant place à un silence de plomb et des regards emplis de méfiance et de colère. Chaque personne qu'ils croisèrent sur leur chemin arrêta son activité et s'empara d'une arme à proximité, comme pour se préparer à se battre contre les intrus.
Mais Matoa ne s'offusqua pas de cet accueil, en contradiction totale avec la déférence normalement réservée à la caste noble dont il faisait partie. S'il n'avait pas conservé sa prestance et son flegme naturels, il se serait même mis à plaindre ces pauvres hommes, femmes et enfants se tenant sur le bord de sa route. Il était censé se trouver dans un avant-poste militaire, et pourtant, les trois-quarts de ses résidents ne s'étaient certainement jamais battus de leur vie. Leurs carrures les trahissaient. Mais leurs visages émaciés, leurs vêtements en guenilles et leurs corps maculés de terre et de plaies parfois encore ouvertes démontraient l'horreur de la bataille qu'ils avaient dû traverser.
Un intense sentiment de pitié germa dans le cœur de Matoa lorsqu'il passa devant une famille dont chacun des membres, jusqu'au plus jeune nourrisson, était mutilé. Grâce à son oncle, il avait toujours fait attention aux besoins de son peuple, et fournissait toute l'aide dont il était capable en cas de malheur. Il avait donc envie d'intervenir auprès de ces gens, de leur offrir vivres, vêtements et réconfort ; mais durant ces heures de terreur, il était incapable de sauver tout le monde. Pas de cette façon. Ses nouvelles responsabilités l'en empêchaient, et il avait une mission à accomplir, d'un genre inédit pour lui. Ainsi, il se dirigea, sans se laisser davantage distraire, vers son objectif premier : le chapiteau central, où devait actuellement se tenir un conseil de guerre improvisé.
Les deux gardes postés à l'entrée, dont la fatigue se lisait même à travers les visières de leurs casques, le laissèrent y pénétrer non sans hésitation. Lorsque Matoa souleva la toile, il se retrouva face à une table de pierre cylindrique, autour de laquelle six généraux, tous bien plus âgés que lui, discutaient avec un air morose. Son arrivée les interrompit cependant, et l'une des militaires, aux cheveux grisonnants et aux rides marquées, l'interpela lorsqu'il ôta sa capuche :
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13 Dragon Riders (1.10) : Un Nouveau Roi
FantasyLes intrigues continuent sur Darkatum. Tandis que les Alliés négocient avec les rebelles et cherchent à quitter la planète, les troupes dirigées par Kyte et Strom sont toujours coincées à l'intérieur des ruines de Féön. Au milieu du chaos, le mystér...