#2 Ne jamais dire jamais

592 50 4
                                    


Non mais, pour qui se prend-t-elle, celle-là ?

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Non mais, pour qui se prend-t-elle, celle-là ?

C'est la chose à laquelle je pense lorsque le taxi s'éloigne et ne fait d'elle plus qu'un point jaune dans l'obscurité et la neige. Depuis quand les taxis sont-ils réservés ? Premier arrivé, premier servi et, même si elle affirme le contraire, je suis arrivé avant elle.
J'imagine que, si j'avais pris la peine de lire sur ses lèvres, je n'y aurais perçu que des insultes aussi raffinées que cette espèce de folle à lier.

Aucune importance.

Je pousse un long soupir de soulagement. Cette semaine a été pénible et, visiblement, elle a bien l'intention de l'être jusqu'au bout. Je suis rentré d'Amsterdam hier après une conférence qui a été couronnée de succès et, très honnêtement, si je n'avais pas promis d'être présent ce soir, j'y serais probablement resté plus longtemps.

La course ne sera pas longue, peut-être que la neige la ralentira quelque peu, mais ça ne me laisse qu'une vingtaine de minutes de répit durant lesquelles je jette enfin un œil sur mon portable.

[Alors, bien rentré ? C'était sympa Amsterdam? Tu m'as ramené quelques sticks ?]

Je ricane en ajustant mes lunettes sur mon nez. Jan fut mon employé il y a quelque temps déjà, mais il est surtout resté mon ami le plus cher. Nous nous sommes rencontrés lorsque j'étais ministre, il y a de cela plus de quinze ans. Il conduisait ma voiture et au fil de nos conversations, un lien fort s'est tissé entre nous, suffisamment fort pour qu'il se permette ce genre de blague avec moi.

[Laisse tomber, ce n'est pas assez fort pour ce que tu as.]

Et je ne dis même pas cela pour rire. Jan est du genre... déjanté. La quarantaine physique, mais dix ans d'âge mental. Le genre de grand garçon qui vit seul avec son fils adolescent et qui peine à se rappeler qu'il est l'adulte. Leurs collections de jouets divers se mélangent dans un appartement chaotique où Jan s'est installé après avoir tout plaqué en annonçant son homosexualité. Son fils l'a suivi parce que sa mère n'avait pas très envie de l'avoir dans les pieds, et sans doute parce qu'au fond, il admire son père pour son courage.

[Sérieusement, j'espère que le retour à la réalité n'est pas trop dur.]

Je grimace. Oh, non, tout va bien. Si on omet évidemment le fait qu'Erika, ma femme, avait probablement oublié ma date de retour et qu'elle s'envoyait en l'air avec son amant actuel lorsque j'ai ouvert la porte de notre appartement.

Ne soyez pas choqué par ma désinvolture, cela arrive plutôt souvent.

J'ignore quand et comment nous en sommes arrivés là, elle et moi. Qui s'est éloigné de l'autre en premier. Après plus de vingt ans de mariage et une merveilleuse fille, les choses ne devraient pas se passer comme ça. Pourtant, aujourd'hui, la seule chose qui semble maintenir notre couple à flot, ce sont les apparences et le très bel appartement en périphérie de Bruxelles que nous partageons. Erika en déloge souvent pour retrouver son amant, ou plutôt son "concubin", et cela m'arrange car je ne suis pas obligé de faire semblant. Semblant que tout va bien. Semblant que j'ai encore des choses à lui dire.

Politiquement Incorrect [SOUS CONTRAT D'EDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant