Odyssey 2324 (Français)

Chapitre 1

Terre, année 2310

Un vent sec et chaud soufflait inlassablement dans les plaines désertiques de l'une des innombrables décharges nucléaires qui peuplaient la surface de la Terre. Il s'insinuait entre les divers déchets, les faisant vibrer pour jouer une mélodie inquiétante. De lourds nuages teintés d'un rouge sanguinolent recouvraient le ciel, ne laissant jamais apparaitre en journée les doux rayons du soleil. Au loin, les imposantes cheminées des centrales nucléaires recrachaient par leurs bouches béantes des volutes de fumés grisâtres, venant se mélanger à l'épaisse couche de nuage. Des arbres morts, brulés par les radiations, érigeaient tristement leur carcasse noircie au milieu de ces champs désolés, tels les étendards oubliés d'une guerre passée.

Rien ne pouvait vivre, ni même survivre sur cette planète meurtrie. Les sols étaient stériles depuis des décennies. L'eau était polluée par les radiations. Plus aucune forme de vie à l'exception des Hommes n'occupait la Terre, que l'on appelait autrefois selon les rumeurs la planète bleue, la planète de la vie. Tout n'était que désolation, poussière et radiation, et pourtant il s'agissait du tableau dans lequel Adam grandissait.

Il se sentait si seul, aussi seul que les déchets inanimés qu'il se devait de trier. C'était son unique travail : trier les déchets nucléaires pour les ramener à l'usiner dans le but de les recycler. Pourtant, il n'était pas le seul sur Terre, loin de là. Beaucoup d'autres enfants exécutaient le même travail. Comme lui, ils avaient été vendus par leurs parents pour quelques unités, ou bien encore abandonnés sur Terre.

Cependant, cela ne l'empêchait pas d'éprouver en permanence un sentiment de profonde solitude. Mais il s'agissait de tout ce qu'il n'avait jamais connu. Il s'agissait de son univers à lui, le monde auquel il appartenait, et il ne se posait pas plus de questions. Après tout, Adam n'avait que 10 ans, et dans l'univers de cet enfant aux yeux couleurs écarlate et aux cheveux d'un violet éclatant, les autres enfants devaient travailler toute leur vie dans les centrales, dormir au milieu des déchets, se nourrir des faibles rations qui étaient mises à leur disposition et mourir vers l'âge de quinze ans à cause d'une trop longue exposition aux radiations.

Aussi cruel que pouvait paraître ce destin, il s'agissait du sien, qu'il considérait comme normal, voire d'une extrême banalité puisqu'il n'avait jamais rien connu d'autres. Ainsi, Adam avait accepté le sort que la vie lui réservait depuis toujours, jusqu'au jour où il le rencontra enfin : la personne qui allait changer son destin.

Cela faisait longtemps qu'Adam ne comptait plus les jours – du moins les années – où il se trouvait ici. Il n'avait par ailleurs aucun souvenir de ses parents, mais ça n'avait aucune importance.

Lorsqu'il travaillait, il ne pensait à rien. Son corps exécutait les interminables tâches par automatismes, tandis que sa pensée vagabondait dans le néant le plus total. Et puis personne ne lui adressait jamais la parole. Il ne s'agissait pas d'un traitement de faveur en particulier, mais ici parler était une perte de temps, et si on perdait trop de temps à discuter cela mettait du retard dans le travail à faire, et par conséquent les rations de nourriture journalières en étaient réduites. C'est pourquoi lorsqu'il entendit la voix claire qui s'adressait à lui juste derrière son dos, Adam ne réagit pas, trop sonné pour pouvoir ne serait-ce faire le moindre mouvement. Le son semblait provenir à des kilomètres, bien loin d'ici à cause de l'irréalité de la scène, et tandis qu'Adam récupérait lentement ses esprits, il entendit cette fois-ci très distinctement les paroles émises par la voix inconnue.

- Eh, je t'ai parlé ! Je t'ai dit « Bonjour », ça aurait été sympa de me répondre. De toute façon personne ne parle jamais ici, à quoi je m'attendais ?

Pour la première fois de sa vie, Adam s'arrêta de travailler et se tourna en direction de la voix. Il ne savait pas pourquoi il agissait de la sorte, il était risqué de stopper son travail, mais une force indescriptible l'attirait et nourrissait sa curiosité, le poussant à agir instinctivement.