FATAL FATE Tome 1&2 [Sous contrat d'édition chez Black Ink]

21| I am tired of myself tonight

I am tired of myself tonight
... I should like to be somebody else

Lilith

Allongée dans mon lit depuis presque une heure, les volets sont fermés et les lumières éteintes. Je fixe le plafond, le regard vide, les idées embrumées. Je ne dors pas, pourtant il est presque quatre heures et demie. Ace m'a déposé chez moi tout à l'heure et j'ai essayé d'être discrète pour ne réveiller personne.

J'ai envie de rester allongée comme ça pendant des heures, de ne plus bouger, de ne plus rien faire. Simplement réfléchir mais à la fois réfléchir me fait mal.

Vide, je suis vide d'énergie, comme un trou béant qui engloutit tout sur son passage. Habillée des mêmes vêtements que je portais sous la pluie, je n'ai pas eu la force de me changer ni même de me démaquiller. Mon jean blanc me colle à la peau et le sweat-shirt noir d'Ace, lui sent un mélange étrange de cigarettes et de parfum. Je décèle cependant derrière les notes de menthe, de bois ambré et de patchouli, une légère odeur de lessive. Contre mon nez, je presse vigoureusement le tissu et hume son sillage. Puis, je finis par me tourner sur le côté tout en recroquevillant mes jambes contre ma poitrine. Ma tête s'enfonce dans mon oreiller et des larmes perlent le long de mes joues.

Je déteste qui je suis.

Je déteste l'emprise qu'il a sur moi, et je déteste qui je suis lorsqu'il n'est plus là. Parfois, j'ai l'impression de ne pas être moi-même, de jouer un rôle. Et parfois, je ne sais même plus qui je suis lorsque personne n'est là, lorsque personne ne me regarde. Je ne sais plus qui je suis quand cette voix ne me dit pas de ne pas manger pour être plus mince. Je ne sais plus qui je suis quand Carter n'est pas là pour me complimenter ou me dire d'arrêter mes crises de jalousie.

Parce que, c'est ça la réalité. Je suis hystérique, je n'ai pas confiance en moi et je douterai toujours de tout et tout le monde.

Quelque chose cloche chez moi, je suis défectueuse, cassée. Comme un produit ménager qu'on voudrait rendre au magasin, parce qu'il ne fonctionne pas normalement.

Il m'a viré de chez lui, parce que je ne me sentais pas prête à le faire, j'avais honte qu'il me voie nue. J'avais honte qu'il puisse voir et sentir mes scarifications et qu'il me juge, qu'il ne comprenne pas.

Les yeux ouverts, je fixe le mur blanc de ma chambre d'une vacuité écrasante, mes iris restent coincé inlassablement. Plus aucune larme ne coule, mes joues humides commencent à sécher. Et je reste inerte, le visage creux, les yeux vides, silencieuse.

— C'était bien chez Carter ?

La voix de ma sœur résonne dans un faible écho. Le bruit de pas se rapproche dans un silence mortuaire.

— Lilith ? insiste-t-elle. Est-ce que ça va ?

Instinctivement, je mords l'intérieur de mes joues si fort, qu'un goût métallique se répand dans ma bouche. Je ne dois pas pleurer, pas devant elle, elle l'utilisera contre moi. Gabriella s'assoit sur le bout de mon matelas et pose une main sur ma cuisse.

— Pourquoi est-ce que tu dors tout habillé ? continue-t-elle face à mon mutisme.

Elle me secoue, tandis que je réprime un sanglot, puis retire finalement sa main avant de s'allonger à côté de moi.

— Est-ce qu'il t'a fait du mal ? me demande-t-elle. Il t'a forcé à faire quelque chose, Lilith ?

Elle passe sa main sur mon ventre pour m'attirer contre elle et je reste stoïque. Crispée à son toucher, mais je n'arrive pas à m'en défaire pour autant.