Chapitre 5 - Complexifier sa relation avec le monde

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Rather Be You - Tom Gregory

"I'm down in the mud while you're moving on
I know I'd rather be you, I'd rather be you
Feeling nothing, nothing at"

🥀
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Augustin scrute mes mouvements du coin de l'œil. Puis, une fois que je suis installée sur le tabouret, il cesse de faire attention à moi et porte son verre de whisky à sa bouche. Ce tableau semble avoir été scénarisé tant il est esthétique comme celui d'un film. Un silence s'installe entre nous, qui s'avère rapidement pesant. J'ai besoin de distraction pour me détourner de mes pensées envahissantes et des alertes qui se sont déclenchées dans mon corps, m'ordonnant de courir vers la sortie de cet endroit.

Alors, le ton provoquant, j'interpelle le serveur :

— Une ligne de shots. Pour lui et moi.

Ma stratégie fonctionne, puisque mon nouveau compagnon de beuverie m'accorde un nouveau regard intrigué. Un mince sourire déforme son expression jusqu'ici impassible.

— Tu as un projet, à ce que je vois.

Ses mèches brunes ondulent légèrement sur le haut de son front. Elles brillent, comme s'il les avait fixées avec de la cire. Impossible de dire si j'apprécie ou non.

Le serveur pose les shooters devant nous, avec deux quartiers de citron vert et du sel. J'essaie de ne pas penser au goût qu'avaient les lèvres d'Evan la première fois que je l'ai embrassé après avoir bu de la tequila et j'avale le contenu du premier shot. Dans le regard que j'échange avec lui, Augustin comprend que je lui lance un défi. Nous enchaînons nos shooters, partant chacun d'un bout de la ligne pour nous rejoindre au centre. Nous attrapons en même temps le dernier verre, sa peau glaciale entrant en contact avec la mienne.

­— À toi l'honneur, déclare-t-il en retirant sa prise pour lever ses deux mains en l'air en signe de défaite.

Je ne me fais pas prier et avale le contenu du dernier verre.

J'enchaîne avec un cocktail de rhum et... je ne sais pas bien quoi d'autre.

— Amusants, tes cheveux, finit-il par lâcher au bout de dix minutes.

— Pitoyable, ta façon de faire des compliments.

­— Qui a dit que je te complimentais ?

Je plisse les yeux. Je n'apprécie pas son mépris. C'est moi qui en use avec les autres, habituellement, pas l'inverse.

Je me lève de mon tabouret pour me rapprocher du sien. Je pose ma main sur sa cuisse, par-dessus son jean noir. Il ne s'y attendait pas et n'est pas assez rapide pour masquer le trouble sur son visage. Je ne suis pas comme ces petites étudiantes effarouchées qu'il doit avoir l'habitude de traumatiser.

— Et si t'arrêtais de perdre de l'énergie à prétendre que je ne suis pas la plus belle chose que tu aies croisé ces dernières années ?

— « Chose » ? C'est pas un truc que vous condamnez, l'objectivation de vos corps, avec vos conneries féministes ?

— Tu pourras parler d'objectivation quand tu ramperas à mes pieds à la fin de la soirée, délesté de tout amour propre et de libre arbitre.

Je m'écarte juste à temps avant d'être frappée encore par son haleine mentholée qui tente de me défier.

La musique pulse de plus en plus fort dans le bar. La soirée bat enfin son plein.

— Tu viens danser ? lancé-je en m'éloignant déjà.

DANS LA TÊTE D'UNE GARCE - THE ANNIVERSARYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant