Chapitre 7 - Être une victime et une survivante

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When We Were Young - Adele

Let me photograph you in this light
In case it is the last time
That we might be exactly like we were
Before we realized
We were scared of getting old
It made us restless
It was just like a movie
It was just like a song

🥀🥀
--

Bouffer ou se faire bouffer.

Depuis mes quinze ans, ma perception de la vie s'est résumée à cette formule simple et manichéenne. D'un côté, il y aurait les faibles, dont je ne ferai plus partie. De l'autre, les puissants. Ceux qui n'attendent pas d'approbation. Ceux qui prennent sans demander de recevoir. Ceux pour qui rien ne compte.

L'agression de mon agent m'a réexpulsée du côté des faibles. Et j'atteins le point culminant de cette place pathétique en ayant accepté de me rendre dans ce cabinet.

Je m'attendais à quelque chose d'impersonnel, presque d'immaculé. Une décoration suffisamment neutre pour que chaque patient puisse voir son propre reflet dans les surfaces blanches et lisses. Au lieu de quoi, des meubles en bois et des objets vintage soigneusement disposés, comme ce tourne-disque dans le coin droit de la pièce.

Je n'arrête pas de fixer ce tourne-disque.

— Mia, est-ce que je peux vous demander pourquoi vous avez décidé de venir me voir ?

Je sens une goutte de sueur se former sur ma tempe. Je ne suis pas à l'aise sur ce siège en cuir qui me colle à la peau. Face à moi, Mme Germain attend ma réponse, avec une patience probablement caractéristique des psychologues.

— Mon ami Jules a insisté pour que je vienne.

— Et vous êtes venue.

— Je n'ai pas vraiment eu le choix.

Un rictus que je ne sais pas déchiffrer déforme légèrement la ligne fine de ses lèvres. Je décide de la couper avant d'entendre un dicton mal pensé :

— Vous allez me dire qu'on a toujours le choix, pas vrai ?

— Le pensez-vous ? Qu'on a toujours le choix ?

Cette question me fait l'effet d'une douche froide. Cette femme ne sait encore rien de moi et pourtant, elle semble avoir compris comment heurter ma corde sensible. Jules lui aurait-il parlé de moi en amont ? Qu'en est-il du secret médical ?

Pour m'en assurer, je décide de changer de stratégie et délaisse mon ton fuyant pour une attaque plus directe :

— Je viens vous voir parce qu'on m'a agressée. Ou un truc comme ça.

— « On » ?

— Mon agent. Ancien agent. De quand j'étais encore mannequin. J'étais mannequin international pour un certain nombre de marques de lingerie...

Pour la première fois, elle appuie sur le bout de son stylo bille pour en faire sortir la mine et griffonne quelque chose sur son carnet.

— Pas besoin de prendre des notes sur ça, tapez mon nom sur internet et vous aurez toutes les infos.

Encore ce petit rictus, qui ne cède pourtant place à aucun mot bien senti.

­— Vous souhaitez me parler de cette agression ?

— C'est pas ce que je suis censée faire ?

— On peut aussi choisir de parler d'autre chose. Comme de votre enfance, par exemple.

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⏰ Dernière mise à jour : May 18, 2023 ⏰

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