🂡 5| TABLEAU DE MENSONGES

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I just wanna feel,
I just wanna feel somethin',
But I keep feelin' nothin' all night long
Plastic Hearts — Miley Cyrus

MONROE
Juillet, 2023

Il y avait quelque chose d'ironique à ce que les deux bourreaux de ma vie aient choisi le suicide pour mettre fin à leurs jours.  Quelque chose de libérateur.

Je me demandais — non, j'espérais qu'ils aient vu leurs souvenirs défiler, dont ceux où ils s'en prenaient à moi, et aussi cruelle cette pensée puisse être, j'aimais l'idée que cette fin soit leur punition. Lui, se portant le coup de grâce. Elle, morte et seule, sans personne pour l'accompagner, à l'image de sa vie solitaire et méritée.

Pourtant, j'en avais fait des cauchemars toute la semaine. Parfois, je revoyais son visage mangeant la terre de sa propre tombe. Du sang coulait le long de sa tempe, et son regard, pourtant vide, ne me quittait pas. Il s'assurait que j'assiste à ce spectacle macabre, et espérait peut-être que je m'en tienne responsable. J'avais tant de fois souhaité sa mort que cela avait fini par arriver...

D'autres fois, c'était le cadavre de ma mère, sur le sol de la cuisine. Ses cheveux blonds s'allongeaient, encore et encore, avant de s'enrouler autour de mes poignets, comme pour me menotter. Ils me tiraient dans tous les sens, telle une marionnette, pour me rappeler qu'au-delà de la mort, elle restait ma mère, et que je ne pourrais jamais changer cela.

Le pire restait le cauchemar que j'avais fait la nuit dernière. Je n'étais ni dans ce cimetière, ni dans la cuisine, et aucun de mes bourreaux n'était au sol. Au contraire, tous deux étaient debout et bien vivants. L'ombre d'un sourire fier et narquois aux lèvres, leurs yeux lançaient des éclairs. Ils me regardaient de haut, non seulement parce qu'ils me méprisaient mais également parce que cette fois, le cadavre, c'était moi.

Depuis, je m'étais terrée dans un hôtel à me ronger les ongles jusqu'au sang, craignant que l'on vienne toquer à ma porte pour donner vie à ce cauchemar.

Je fuyais. Je fuyais autant mon ancienne vie que la nouvelle pour éviter d'avoir à répondre aux questions de mes amis et de mes patrons, car j'avais beau passer mon temps à leur mentir, cette fois, je n'étais pas sûre d'en être capable. Tout ça... C'était trop gros.

Des gens voulaient ma peau, et je ne savais pas ce que j'étais censée faire de cette information. Fuir, encore ? Appeler la police ? Pour le moment, la seule solution qui me venait en tête, c'était feindre que rien ne s'était passé.

Je n'avais aucune idée de ce pourquoi ils me traquaient, ni de la raison qui les avait poussés à surgir dans ma vie deux ans après que je sois partie.

Néanmoins, s'ils me retrouvaient, j'étais prête à tout leur céder pour ne pas avoir à replonger dans mon passé et en découvrir la face cachée de l'Iceberg. Celle que j'avais pu aperçevoir toute mon enfance suffisait largement pour que je veuille m'en tenir éloignée. C'était... Plus simple.

Assise sur le lit très peu confortable qui m'avait accueillie ces derniers jours, une part de moi cherchait tout de même à en savoir plus sur ce mystère qu'il avait laissé derrière lui. Mais toute quête était vaine: je n'avais que peu d'éléments de départ, outre le tatouage qui salissait ma peau et qu'il avait lui-même eu gravé sur son poignet. La seule chose que j'avais pu trouver était l'adresse d'un casino à Toronto même, du nom de « la Roulette Russe », mais je redoutais l'issue de cette piste.

𝑆𝐾𝑌𝐹𝐴𝐿𝐿Où les histoires vivent. Découvrez maintenant