L'éclat de rire s'est effacé. Depuis quelques années il s'est envolé, disparu des souvenirs, et des moments à venir. Ils semblent lointains, ceux autour de la table, d'abord une petite mimique en réaction à une réflexion mordante, une blague, une ironie. Puis l'éclat. Comme une déflagration, fait voler des étoiles dans les yeux, éclaire les visages, chasse les brumes de l'esprit ankylosé. La journée toute entière pèse sur les visages, les esprits à l'abris des ravages de la vie. Puis les ravages de ce rire qui éblouie. On n'entend plus que lui, à en devenir fou. Rire, à lier, ne tenant plus son propre corps en place, jusqu'à faire couler les larmes. De plaisir, de désir, d'encore de ces moments. Ils ne sont pas sacrés, pas encore, ils arrivent, repartent, s'invitent et quittent nos souvenirs. On ne le voit pas venir : un moment où d'autres éclats les font fuir pour ne jamais revenir. Ce ne sont que des instants futiles, des divertissements inutiles, pour ce qui s'offre à nos yeux. S'offrent à nos yeux des perceptions. Une partie de nos sens s'appuyant sur la vue, pour nous guider, devant, derrière, tout autour de nous. Ces sens qui caractérisent si bien le corps, éprit de l'envie de les découvrir entiers, ne mesurant le prix de ces passions fugaces, la vision ne s'offrant qu'au corps, non pas à l'esprit, qui ne voit ni passé ni avenir.
