6/2 - Encre

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La Brume noire avait envahi le hall du manoir. Lentement elle pénétrait les murs de pierre, le papier peint vert aux motifs floraux, le bois des meubles, les moulures du plafond. Elle s'infiltrait dans les vêtements, saisissait la gorge, emplissait les poumons, étouffait de sa puanteur nauséabonde. Avec elle, un froid glaçant empoignait à la gorge ceux qui se trouvaient dans la pièce. Les courants d'air gelé se répandait dans la maison comme dans les poumons de ceux qui osait respirer à pleinement, les figeant sur place comme des statuts de pierre. Un silence de mort régnait en maître jusqu'à ce qu'un rire franc se propage dans toute la maison, glissant contre les parois, faisant trembler les os, pénétrant la chair. Un souffle sans vie se faufila jusqu'à ma nuque, une main osseuse appuya sur mon épaule. Je m'agenouillai, courbant l'échine.

- Drago, mon enfant. Ton père a lamentablement échoué à me ramener le garçon.

Je ravalais douloureusement l'émotion qui me nouait la gorge, masquant le tremblement qui secouait mes épaules.

- Est-ce que je peux compter sur toi, mon enfant ?

- Oui, maître, soufflais-je, le regard figé sur le carrelage fissuré de notre maison.

Je sursautai légèrement en sentant la peau poisseuse et gluante de Nagini passer contre ma jambe. Le serpent ondula jusqu'à notre âtre, approchant la robe de ma mère. Je relevai un regard que je voulais impassible vers la main pâle qui avait saisi mon poignet.

Je repensais au regard terrifié de mon père lorsqu'il était revenu. Au sortilège doloris qu'il m'avait jeté en hurlant, se battant presque avec ma mère. A ces yeux brillants lorsqu'il m'avait puni pour que je sois fort et que sauve l'honneur de notre maison. Aucune douleur n'égala la terreur que je saisis dans les yeux de ma mère qui regardait nôtre Maître approcher sa baguette.

L'encre pénétra ma chair comme une plume ardente tracerait lentement des lettres sur un parchemin. La douleur était extrême et je retenais des larmes et les tremblements mordant ma joue jusqu'au sang. Le poison s'infiltrait à travers les veines, profitant des ramifications naturelles pour forger son propre passage, dessinant ensemble le serpent et le crâne, signes distinctifs des partisans du Mage noirs. La douleur ne disparaitrait jamais.

- Drago, mon enfant, tu es l'un des nôtre, s'exclama joyeusement Voldemort. En guise de reconnaissance, je vais te confier ta première mission... L'occasion de racheter ton misérable père.

Je relevais les yeux vers le Seigneur des ténèbres, regrettant instantanément d'y voir un sourire cynique et carnassier.

- Tue Albus Dumbledore et je laverais l'affront qu'a perpétré ton géniteur.

Une sueur froide parcouru ma colonne vertébrale, m'empêchant de bouger ou de produire un seul son. Impossible. Je ne pourrais jamais tuer ce vieux fou, c'était insensé... Je relevais le regard incrédule mais les yeux rouges du Maître firent s'évanouir tout espoir.

- Maître, c'est un lâche ! Il est incapable de surpasser son pauvre père, s'exclama Bellatrix à demi-indigné qu'une mission si noble me soit confiée.

- Est-ce vrai ? N'es-tu qu'un lâche Drago Malfoy ? siffla calmement le Maître.

- Je ne vous décevrai pas, Maître, répondis-je. Je tuerai Albus Dumbledore.

*

Drago se réveilla une nouvelle fois en sursaut. Essuyant rapidement la sueur de son front, il sortit de la chambre silencieusement. Le canapé de la salle commune des Serpentard était devenu son refuge lorsqu'il revivait de pénibles souvenirs. Cependant tout avait pris une dimension plus importante cette année... Le cuir du canapé était trop collant, le silence trop froid, la lueur verdâtre de la salle trop familière. Aussi, les nuits devenaient rudes et le poids de la solitude étouffant.

[Drarry] Toujours et encore toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant