Chapitre 2 : Memento Mori

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LASZLO

Jour présent, Syracuse, New York, 3775 km d'Arkan.

J'inspire.

L'odeur de la vapeur des pommes de terre masquera jamais la vague de produits chimiques qui noie la pièce, mais elle suffit à me faire glisser mon marque-page dans les feuilles jaunies de mon livre et à relever la tête.

Ton repas préféré, indiqué-je en pointant le bout de mon menton vers les trois féculents recouverts d'un peu de persil. Et en plus l'infirmier a été gentil et t'as mis un pudding en plus. 

Si tu veux mon avis, il a surtout envie de se faire pardonner pour avoir renversé du café sur mon oreiller favori.

Je lève les yeux vers le ciel, mais me prends une vilaine pichenette sur le nez. 

À moins que tu ne parviennes à enlever cette tache, tu ferais bien de lui rappeler que je tenais beaucoup à cet oreiller. C'était celui de Susan.

Je sais, Joyce.

Ne m'appelle pas Joyce, Laszlo. Je te l'ai déjà dit un million de fois.

Je souris alors que ma grand-mère continue à bougonner, tout en dépliant sa serviette. 

On n'est jamais prêt, quand le cancer fait son entrée théâtrale, dans la vie. Moins encore lorsqu'il fait mine de partir et qu'il revient en force... Ruinant tout espoir, au passage. Pour Joyce Montgomery, AKA la femme la plus forte du monde, il a commencé par une fatigue plus prononcée que d'habitude. Puis, il nous a mené ici, dans cette chambre d'hôpital, avec des puddings en dessert, des cathéters et des machines, une télévision qui ne passe que les chaînes mexicaines depuis une semaine, ainsi qu'un voisinage qui utilise l'humour noir en guise de passe-temps. 

Il s'est déjà excusé, finis-je par reprendre après avoir présenté les couverts à ma grand-mère. Et tu devrais accepter d'être plus gentille, parce que sinon, tu ne seras peut-être plus la mieux nourrie du couloir. 

Reprends ton livre et tais-toi.

Malgré son ton fourré d'aigreur, elle passe sa main frêle dans mes cheveux qui retombent presque instantanément sur mon front. Elle ne peut rester fâchée très longtemps. Et même si à premier abord, elle peut paraître amère et froide, elle est en réalité tout le contraire.

Après avoir passée sa vie entre les fleurs colorées de sa boutique et une vie engagée dans une communauté soudée, peu importe où elle allait, elle n'a pas hésité une seule seconde à faire de même lorsqu'elle est rentrée dans cet hôpital. 

Pour elle, la maladie ne rythme pas ses journées.

Les visites d'infirmiers et des docteurs, le changement des intraveineuses, les scanners, la chimio, les prises de sang... Tous ces examens, plus intrusifs les uns que les autres, ne sont que quelques instants à sacrifier dans une journée où le plus important est d'aller voir comment se portent les autres.

Le matin, c'est au tour des enfants. Tous ceux à qui les parents ne peuvent se permettre de venir tous les jours, sont soigneusement câlinés un par un. Et comment oublier l'heure entière qu'elle sacrifie pour leur apprendre la flore qui entoure l'hôpital ?

Once, We Flew.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant