LASZLO
Je n'ai aucun confort.
Si aujourd'hui avait commencé avec un grand soleil, les nuages ont fini par prendre le dessus. Malgré ça, la chaleur étouffante de la fin de mois de septembre règne toujours en maître et ma salle de classe commence à ressembler à une fournaise. De mon unique main gantée, je relève donc les manches de ma chemise sur mes avants bras et fait tourner mon crayon à papier entre mes doigts pour reprendre mon cours.
- Avez-vous d'autres questions ?
Je ne reçois en réponse que quelques grognements.
Avachis sur leurs tables, mes élèves ont l'air aussi fantomatiques que s'ils avaient été renversés par un bus, avant de rentrer. Et si les règles strictes d'Etton Academy se veulent intransigeants sur la qualité des uniformes scolaires de ses résidents... Les garçons comme les filles s'éventent avec leurs cravates noires dénouées de leurs chemises et blouses.
Quand j'ai décroché le poste en tant que professeur d'art titulaire, à la fin du mois d'août, après avoir passé un sacré bout de temps à prier pour que ça arrive, je m'attendais à ce que je reçoive des élèves pleins d'enthousiasme. Après tout, entre l'élite qui les départage, les bourses qu'ils peuvent décrocher et l'argent de leurs parents qui achète un matériel que d'autres doivent économiser des mois pour avoir... J'avais au moins l'espoir d'avoir un public.
À la place, je suis tombé sur des ados en difficulté qui avaient besoin d'une matière supplémentaire pour sceller leur destin dans les écoles supérieures qu'ils voulaient.
Dans un soupir que je retiens à peine en plissant les lèvres, je repousse mes lunettes sur mon nez et lance :
- Allez les enfants, je sais qu'il fait chaud et que vous n'avez sûrement pas envie d'être là, mais faites un effort.
"Les enfants", Laszlo ? Vraiment ?
Je chasse mes propres idées de ma tête en la secouant et passe dans les rangs pour voir le début des croquis du thème imposé aujourd'hui. Cependant, je tombe sur soit des feuilles encore vides, soit des esquisses brutales qui me font grimacer.
- Je vais avoir besoin que vous fassiez mieux que ça ! Le but, d'ici à la fin de l'année, c'est que vous sachiez au moins comment correctement vous placer dans un paysage. Que vous puissiez voir, sentir, vous orienter avec votre crayon comme si votre main était l'appareil photo de vos yeux.
Je retourne au tableau et indique l'arbre que j'avais dessiné avant que ma classe ne commence.
- Pour ça, il faut commencer par l'essentiel. Les arbres. Et tout ce que je vois pour l'instant, ce ne sont que ces affreuses choses que vos parents ont placardé sur vos frigos quand vous aviez quatre ans.
J'ai à peine le temps de porter mes poings à mes hanches qu'un garçon de dix-sept ans, assis à quelques tables devant moi, lève sa main.
- Enfin une question. Camden, dis-moi ?
- Pourquoi vous portez un gant ? demande-t-il en pointant son crayon à papier dans la direction de ma main droite.
Un léger frisson parcourt mon échine.
Je savais que tôt ou tard, j'allais avoir droit à cette question.
Et si d'habitude, j'en porte deux, même à l'intérieur, aujourd'hui, il fait trop chaud pour le supporter. Toutefois, quand j'ai passé mon entretien d'embauche avec le directeur de cette école, j'avais bien senti son regard sur ma main.
![](https://img.wattpad.com/cover/337734920-288-k104491.jpg)
VOUS LISEZ
Once, We Flew. | En Cours
Romance1998 : Gaslight Fields, Texas. Un fermier fou. Des cages remplies d'enfants. L'odeur de la mort. Le bruit des pelles qui retournent la terre. Les cadavres. Tous ces cadavres... Giulia Matip, l'une des seules survivantes du massacre, n'a jamais su...