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- Alors, ça va mieux ma grande ? J'ai appris pour ta migraine.
Quand j'avais téléphoné à mon patron samedi matin pour le prévenir que je ne viendrai pas, par « migraine » je m'étais bien gardée de préciser que la vodka n'y était certainement pas pour rien. En lui pinçant le nez, j'avais dû taire les ronflements de Merieme qui même dans son sommeil profond aurait pu décrédibiliser mon mensonge par omission. Le truc pratique quand on a une grande famille, c'est qu'on a plus de chance que les membres de celle-ci appartiennent à des corps de métiers divers et variés. C'est comme ça que je me suis retrouvée avec un oncle médecin généraliste. Un coup de fil avait suffit pour qu'il me faxe un certificat d'inaptitude au travail que j'ai pris soin de déposer sur le bureau de mon patron ce dimanche matin. L'astuce c'est de poser deux jours et de revenir au bout d'un seul, ça atteste de ta bonne foi.
- Oh, m'en parle pas... J'ai cru mourir !
Celui qui prend de mes nouvelles et à qui je mens sans scrupule c'est Patrick, un très chouette collègue. Avant de le rencontrer j'avais beaucoup de mal à concevoir qu'on puisse avoir plus de 50 ans et ne pas être aigri. Je l'estime grandement, on n'en fait plus beaucoup des comme lui.
- Raconte-nous un peu, ça t'as pris quand ?
En revanche, celle à qui je ne peux pas mentir et qui me questionne avec toute la mauvaise foi du monde c'est Hanna, la plus chouette des collègues et accessoirement ma préférée. Ce que je trouve fascinant avec notre génération c'est qu'on ne sait pas faire semblant. Cette culture de l'hypocrisie - ou du tact ? - propre à nos aïeux semble avoir refusé d'être assimilé de près ou du loin aux enfants nés dans les années 80. La preuve en est : mettez deux minettes du même âge qui n'ont strictement rien demandé à un même poste et soit elles se détesteront soit elle s'adoreront. Heureusement pour tout le STAFF du Pathé, on avait misé sur la deuxième option. On était si différentes Hanna et moi qu'il n'y avait de place pour la jalousie ou la concurrence. Elle était une véritable amie et pour cette raison bien précise, elle pouvait se permettre de me taquiner sur ma migraine qu'elle savait imaginaire.
- Vendredi soir, je réponds en faisant les gros yeux et en forçant un sourire. T'aurais dû me voir, c'était horrible. Mais je pouvais pas ne pas venir aujourd'hui, je vous aurais pas laissé dans la merde un jour de plus. Vous avez eu du monde hier ?
Hanna esquisse un sourire en me chuchotant que le retournement de situation était bien joué et je la remercie en lui pinçant discrètement le bras. On est à l'encaissement des boissons et des collations et parfois on peut nous demander de passer un coup de balai ou de serpillère. Entre engager du personnel adéquat ou exploiter la jeunesse, le choix des dirigeants de l'industrie cinématographique était vite fait.
Je déteste plus que tout au monde le fait de devoir m'improviser des talents de technicienne de surface mais l'ouvrir un peu trop pourrait me conduire au renvoi. Il avait fallu que je me rende à l'évidence, papa et maman ne roulaient pas sur l'or et plus je grandissais, plus j'avais besoin de thune. Je convoitais la vie de riche héritière quand je me retrouvais à décoller les chewing-gum de la moquette et à ramasser le pop-corn entre les sièges. Sans oublier le nombre incalculable de clients qui en achetant des boissons nous demandaient de quoi parlait tel ou tel film à l'affiche. L'un des rares points positifs était qu'on choisissait quelques fois la musique Hanna et moi. Rien ne me faisait plus plaisir que la RnB américaine comme française même si Hanna elle, préférait son rock alternatif, le genre qu'on entend dans les Frères Scott quoi, mais c'était sympa en vrai. Et moi qui la traitais de punk à nos débuts.
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Le chaos aimait le gloss
RomanceLes choses auraient-elles pu être significativement différentes si elle ne l'avait pas aperçu en boîte de nuit un soir de l'an 2006 ? « LE CHAOS AIMAIT LE GLOSS » ou le récit des vies de Gaby et ses copines, toutes singulièrement rythmées par un eff...