Chapitre 2

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Saw

Je débarque victorieux et me plante devant Théo, un grand sourire aux lèvres.

- Alors ? m'exclamé-je fier de moi.

Pas cap d'emballer une fille à l'aéroport, disait-il. C'était mal me connaitre et pourtant on partage notre quotidien depuis déjà un an.

Il me regarde. Regarde la fille dont je n'ai toujours pas lâché la main et qui me surprend d'ailleurs à être toujours là sans protester, puis revient à moi, prêt à exploser de rire.

- Formidable, mec ! T'as chopé ma frangine !

Shit ! Fais chier !

Je m'empresse de récupérer ma main et m'applique à ne pas la regarder.

La honte !

Théo n'en finit plus de rire et je n'ai qu'une envie. Lui coller mon poing en pleine figure. J'ai pourtant vu plusieurs fois des photos d'elle. Sauf que sur celles-ci, elle donnait l'impression d'avoir quinze ans alors que là... Tout en elle me confirme que c'est une femme. Les traits fins de son visage, ses courbes affriolantes et sa paire de...

Je me gifle mentalement en me rappelant qu'il s'agit de la sœur de mon pote. Je me tourne enfin vers celle-ci en passant une main dans mes cheveux trop longs qui me tombent devant les yeux. J'aurais dû les faire couper avant de partir, mais c'était sans compter notre départ précipité.

- Désolé, finis-je par articuler en la regardant enfin.

Elle a les bras croisés sur la poitrine et son expression maintenant assassine me met mal à l'aise. Pas que je ne sois pas habitué à la colère de la gent féminine. Quand vous passez votre temps à papillonner d'une fille à l'autre, vous ne vous faites pas que des amies. D'ailleurs, à bien y réfléchir, je n'ai jamais eu de potes filles. Mais, c'est la sœur de Théo. Je sais que l'on va devoir partager le même toit pendant environ trois mois et je ne veux pas me la mettre à dos. Son frère ne m'a pas dit grand-chose sur elle et je me surprends à ressentir de la curiosité à son égard.

On est toujours sur le trottoir devant l'aéroport lorsque Théo se rappelle à nous.

- Ouais, bon. Quand vous aurez fini de vous dévisager, on pourra peut-être y aller. J'ai l'intention de retrouver mon lit et de dormir pendant au moins quarante-huit heures. Lou, où est papa ?

- Il est un peu plus loin, indique-t-elle en montrant une direction du bras.

Je remarque alors un minuscule tatouage dans le creux de son poignet, sans pour autant arriver à le déchiffrer. On dirait un mot, mais je n'en suis pas certain.

- Tu viens, mec ? me demande Théo en me tapant sur l'épaule. Et arrête de dévisager ma sœur, c'est chelou, me chuchote-t-il alors que je l'observe s'éloigner.

J'essaye de reprendre contenance en secouant la tête et le suis le long du trottoir.

- C'est ta faute aussi ! Quand tu me parlais de ta petite sœur, je l'imaginais différemment.

- Ouais, ben, évite d'imaginer ma sœur, OK ?

Je lui fais mon sourire en coin qui plaît beaucoup aux filles.

- Je plaisante pas Saw. Ma sœur c'est No way !

Il s'est arrêté, indifférent aux gens qui sont obligés de nous contourner, et me lance un regard sévère. Je lève les mains devant mon torse pour lui prouver mon innocence dans cette histoire, mais aucun son ne passe mes lèvres. J'aime les défis, il le sait et il vient de m'en lancer un de taille. Cependant, c'est mon pote et je ne ferais rien qui le contrarie. Alors, je finis par acquiescer et l'on reprend notre chemin.


Cela doit faire trente minutes que l'on roule. Le paysage est magnifique et pourtant mes yeux y reviennent toujours. Quelque chose chez elle m'intrigue, mais je ne saurais dire quoi ? Je suis à l'arrière, à la gauche de Théo et j'ai tout le loisir de pouvoir l'observer discrètement.

- Oh ! Mec, t'es sérieux ? s'énerve Théo en me fusillant du regard.

OK ! Peut-être pas si discrètement que ça, tout compte fait.

- Alors les garçons, contents d'être enfin arrivés ? Vous devez être crevés ? interroge son père, détournant l'attention du grand frère parano installé à côté de moi.

Max a l'air sympa pour un paternel. Il a une attitude décontractée qui me plaît. Pas comme mes géniteurs. Je fais la grimace, je ne veux pas penser à eux.

- Je suis naze, répond Théo. Impossible de dormir dans ce fichu avion. Par contre, j'en connais un que ça n'a pas dérangé...

Son expression est mi-amusée, mi-contrariée. C'est vrai que je n'ai pas été d'une compagnie distrayante, me contentant de dormir tout le vol.

- Pour ma défense, je prends l'avion depuis que j'ai six ans, ça ne me perturbe plus.

- En Amérique, vous prenez l'avion comme on prend le train, il

paraît ?

Max me jette un regard dans le rétroviseur central et j'approuve en rigolant. Lou, elle, n'a pas dit un mot depuis notre départ, se bornant à fourrer ses écouteurs dans ses oreilles et de nous ignorer. Je me demande si elle a les mêmes goûts que moi en matière de musique.

- Hé ! Louison, l'interpelle son frère en donnant un choc sur le siège devant lui.

Quel drôle de prénom...

Elle retire un écouteur et se tourne légèrement.

- Ne m'appelle pas comme ça ! Théodore, rouspète-t-elle. Qu'est-ce que tu veux ?

- Théodore ! ricané-je.

Il me lance une œillade assassine et je note pour plus tard de le charrier avec son prénom qu'il a bien pris soin de me cacher.

- Quoi ? Tu aurais pris la peine de lire les documents que l'université t'a envoyés, il y a un an, tu le saurais !

Il reporte son attention sur sa frangine :

- Et toi ! Content de voir tout le bonheur que mon retour te procure, minaude-t-il.

Elle se tortille un peu plus sur son siège pour mieux le dévisager.

- Je ne suis que joie et extase. Je suis choquée que tu ne le voies pas.

Il lui fait une grimace et alors qu'elle reprend sa place sur son siège, ses yeux s'arrêtent une seconde sur moi puis repartent contempler la route et elle ajoute :

- Ta venue aussi, Saw, me remplit de joie.

Je vois à ses épaules qu'elle rit silencieusement et je ne peux réprimer le sourire qui s'épanouit sur mes lèvres.

Théo me fait sursauter en s'exclamant :

- Sérieux ?

Il me jette un regard noir comme si j'y étais pour quelque chose et se mure dans le silence. J'adore le faire enrager et visiblement sa sœur aussi. Max ne relève pas les paroles de sa fille et reste concentré sur la route. Il me plaît de plus en plus.

Cette cohabitation s'annonce bien plus amusante que ce que je ne me l'étais imaginé.

The other sideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant