La Renaissance

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Je déglutis en voyant la créature s'approcher de moi. Elle s'agenouilla, comme l'Ancien l'avait fait pour elle avant de la sauver des prêtres, dans la chapelle. Elle m'observa. Elle, ou Il, ou quoi que ce fut. La Nymphe ôta mes chaînes, me libéra, puis prit mes mains dans les siennes, qui commençaient à s'hypertrophier au profit d'une longue griffe.

Entre ses doigts, mes poignets brillaient de la même blancheur irréelle.


L'Ange me souleva, comme si je ne pesais rien de mes cent vingt kilos, et m'emporta avec elle dans les cieux. J'étais prisonnier d'un rêve éveillé, ce n'était plus les flashs violents, mais une clarté lancinante, permanente, qui m'irradiait de l'intérieur.

Des embardées dans les airs, de grands coups de vent, des ailes qui claquaient dans la nuit. Je ne sais au juste combien de temps nous volâmes. Lorsque l'Ange me déposa enfin, je compris que je me trouvais dans les hauteurs de la ville, au sommet de l'un des monolithes noirs. Un endroit que jamais je n'aurais pu atteindre seul.

Les éclairs zébraient le ciel autour de nous. L'atmosphère était étouffante, électrique. J'avais peine à voir ce qui nous entourait, la clarté était différente, déphasée. Tout était succession de tons lumineux superposés, les reliefs accentués, le monde semblait enrobé de plusieurs strates de couleurs différentes, comme filtrées par un prisme.

Je découvris avec ces sens inconnus, l'endroit où m'avait amené l'Ange. C'était un grand parapet de pierre. Il était encombré de formes ovoïdes, qui renvoyaient des reflets de lumière. Ces choses n'étaient pas lisses, mais couvert de franges, d'une sorte de duvet, composé d'empilements de lanières blanches. Cela me rappelait des... espèces de... cocons ?

Une dernière fois, je regardai mes bras, désormais dardés de cette même lumière prismatique. Ma peau qui se délitait accouchait d'une nature étrangère, provenant de mon propre corps.

En même temps, je sentais un phénomène étrange dans mon dos, un grossissement incongru. C'était comme si ma colonne vertébrale s'était subitement amplifiée, ramifiée. Des fragments d'une matière étrangère, blanche, la même que celle des cocons, dépassaient sur mes épaules, recouvraient ma poitrine.


Je tombai à genou. Mon corps grandissait, se déformait, je le sentais depuis l'intérieur de mes entrailles. Pourtant je n'avais pas peur. Je me repliai instinctivement en position fœtale. Tout cela sous le regard bienveillant de la Nymphe que j'avais chassée moins d'un mois plus tôt.

Mes pensées s'évanouissaient, mon corps était à la fois dévoré de l'intérieur et hypertrophié en surface. Mes sens se décuplaient mais en même temps m'entraînaient vers le sommeil. Cette fois, je compris que j'avais atteint la fin du voyage, pour de bon.

Les dernières pensées que j'eus furent pour Tritia, et ses paroles résonnèrent dans le vide de mon crâne.

"Peut-être un jour les cieux nous réuniront-ils."

Je compris que cette phrase signifiait tellement plus que des mots... Au-delà de nous, elle résonnait comme un espoir pour tout ce qui restait de l'humanité.

Puis, dans une lenteur inexorable, la Chrysalide se referma sur moi.



Il est dit qu'un jour le soleil cessera de se lever sur l'horizon, que les cornes de la mort retentiront jusque dans les entrailles du monde, et que le fracas de l'apocalypse fera vibrer les fondations mêmes de la Terre. Ce jour là, l'homme redeviendra l'animal qu'il n'a jamais vraiment quitté, il oubliera qu'il avait un jour eu une âme, des sentiments, il s'abandonnera aux lois cruelles de la survie.

Mais par delà les cendres et la désolation, surgira alors une nouvelle espèce, plus noble, plus évoluée, capable de rebâtir sur les ruines des civilisations précédentes.

Ce jour-là... s'est peut-être produit.




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The Delgados
"I fought the Angels"
"Accused Of Stealing"

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