La Rédemption

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Les Anges avaient repris leur liberté, dans une simple rafale de vent. Ils avaient regagné les cimes du ciel, chargé de nuages noirs et strié d'éclairs désarticulés.

Ils laissaient derrière eux un carnage sanglant. Près de cinquante individus avaient trouvé la mort cette horrible nuit. Le banquet avait tourné au désastre, le châtiment s'était abattu sur nos têtes.

J'ignore pourquoi les Anges m'avaient épargné. Entre tous, j'étais le plus haïssable. Je les traquais depuis des années. Je méritais la mort, et pour être franc, je l'espérais. A quoi bon vivre cette existence moribonde, seulement constituée de survie et de décadence. A présent que la grâce m'avait frappé, je ne ressentais plus la moindre attirance pour cette civilisation mourante à laquelle j'appartenais.

D'un autre côté, à quoi bon me tuer ? Les Anges ne ressentaient pas de haine semblait-il, les émotions humaines ne les touchaient pas. L'Ancien était venu sauver son protégé, voilà tout. Il avait abattu sans état d'âme ceux qui s'étaient placés sur sa route. Les autres, il n'en avait que faire.

Je me libérai de mes sangles sans difficultés dès lors que le poison qui m'avait été injecté cessa son effet. J'avais une cicatrice de plus, sur le crâne, une trace de scalpel. Sans m'occuper de la douleur, je versai un peu d'alcool sur la plaie, et quittai la Chapelle.


En bas, le Sanctuaire avait été dévasté. Des cadavres jonchaient les couloirs, et plus encore la Grande Salle. La plupart des survivants ne devaient qu'à leur léthargie éthylique ou à leur lâcheté d'en avoir réchappé. Il n'y avait aucun blessé, ceux qui avaient eu le malheur de passer à portée de l'ennemi l'avaient payé au prix fort.

Notre clan avait été durement touché par cette attaque foudroyante, il mettrait des années à s'en relever, si encore il y parvenait. La plupart des morts étaient des chasseurs, ce qui constituait une perte plus tragique encore pour la survie de la communauté. Sans eux, le ravitaillement et la protection contre les animaux ou les Isolés serait rude.

Au gré de mes errances, j'avais pu découvrir que les clans comme le nôtre n'étaient pas si nombreux dans les territoires environnants, et j'imaginais qu'il en était de même sur toute la planète. Beaucoup dépérissaient, les autres survivaient. Peu se portaient bien. Lorsqu'ils subissaient un tel choc, la majorité des communautés ne parvenaient à remonter la pente. Leur équilibre brisé, elles s'effondraient. La faible natalité et la forte mortalité infantile en étaient les principales raisons.


Je ne passai guère de temps à observer les décombres. Je ramassai mes armes, mes maigres possessions, et m'engageai vers la sortie.

Car si les Anges m'avaient épargné, ce ne serait pas le cas de mes semblables. Eux, voudraient un coupable. Eux, rechercheraient la vengeance, même si cette dernière n'adoucirait en aucun cas leurs difficultés. C'était dans la nature de l'homme de se venger.

Cette vie, quoique je n'y tins plus guère, je refusais de me la faire prendre ainsi. Je quittai donc la grande Salle en emportant ce que je pouvais, sachant que plus jamais je ne remettrais les pieds en ce lieu.

  – Kandjar... entendis-je alors. Qu'est-ce que vous faites ?


Je me retournai. Tritia était la seule survivante de mon groupe. Elle approchait, nue, maculée de sueur et de fluides séchés, sa longue nuit de débauche dans une salle annexe lui avait probablement épargné la rencontre de la créature.

ChrysalidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant