Je me trouve devant la maison où j'avais passé mes onze premières années.
La situation sonne si faux dans mon esprit que je n'ai pas réussi à faire un seul pas depuis que je suis descendue du taxi.
Je me trouve là, les jambes tremblantes et ma valise à mes côté comme ses soutien. Je peine à respirer correctement et la seule chose dont je me sens réellement capable est de ne pas bouger et observer tout ce qui m'entoure.
La maison n'est pas grande, mais elle n'est pas petite non plus. Elle est entourée d'une clôture blanche et d'un portillon sur le devant où part une allée qui termine sur une porte rouge. Cette porte rouge. Elle fait tâche dans cet amas de blanc.
J'ai passé mon enfance ici et je connaissais cette maison et cette ville par cœur mais maintenant j'ai l'impression de n'être plus qu'une inconnue.
-Vous restez ici depuis une dizaine de minutes, cherchez-vous votre chemin Mademoiselle ?
Je fronce des sourcils en ressentant un sentiment de familiarité. Je connais cette voix féminine mais je suis incapable d'y associer un visage. Après quelques secondes de flottement je me retourne pour faire face à cette femme. Le vent souffle légèrement mais assez pour que mes cheveux puissent me barrer de temps en temps la vue, et ce malgré mon entêtement à les remettre derrière mes oreilles.
La femme en question est la voisine d'en face. Je me trouve de l'autre côté de la route et elle, est dans son jardin mais je perçois assez son visage pour me souvenir enfin de qui est en face de moi. Madame Grelet. Nous ne nous sommes pas vu depuis dix ans mais elle n'a pas vraiment changé, toujours ce brushing à la France Gall et ses robes à fleur. Je la vois froncer des sourcils et je comprends que pour elle je ne lui suis aussi pas totalement étrangère. J'espère vraiment avoir assez changé pour qu'elle ne réussisse pas à me reconnaître car sinon, cette situation deviendrait très gênante d'un coup. La meilleure solution pour moi est de lui répondre le plus vite possible pour qu'elle me laisse tranquille et ne puisse pas avoir le temps nécessaire pour faire le rapprochement.
J'inspire donc un bon coup et je prononce mes premiers mots depuis mon arrivée :
-Oh non merci, j'habite ici, dis-je en montrant la maison derrière moi.
Nos maisons sont exactement les mêmes au détail près des portes, la sienne est blanche comme celles de toutes les autres résidences dans ce quartier. Pas très compliqué de savoir qui habite ici, pourtant, moi, l'étrangère j'affirme que c'est bien mon toit.
Elle fronce légèrement des sourcils tout en regardant la maison derrière moi quelques instants puis son visage s'illumine la seconde qui suit. Je comprends que c'est trop tard.
-Kat ? Kat Lefrèbre ?
Elle pose l'arrosoir qu'elle tenait dans ses mains et passe son portillon pour traverser la route et venir à moi. Je me force à sourire mais en réalité je suis mortifiée par la tournure que prend la situation. Il y a encore deux minutes je n'arrivais pas à savoir si j'allais réussir à entrer dans cette foutue maison qui n'était plus la mienne depuis des années et me voici maintenant à parler avec une ancienne voisine gaga de fleurs.
-Te rappelles-tu de moi ? Je suis Madame Grelet, la voisine d'en face !
Je hoche la tête tout en gardant ce sourire de façade sur mon visage. Elle vient se placer devant moi et me prend dans ses bras.
-Je ne t'ai pas vu ici depuis des années ! J'avais pris l'habitude de ne voir que ta mère, Joanne et ses enfants durant l'été...
Elle m'a enfin lâché pour me regarder de nouveau. A l'évocation de ma mère et de sa deuxième famille, je me suis mise à grimacer, je ne suis plus capable de lui sourire, je n'ai jamais réussi à faire semblent lorsqu'il s'agit d'elle. Madame Grelet a dû interpréter ma soudain changement de comportement pour de la tristesse car elle s'est mise à passer sa main dans mes cheveux pour me réconforter :
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Wonderwall
RomanceKat évite le sujet depuis plusieurs années. Parler de sa mère et comment sa famille a été déchirée lui est toujours très douloureux. En tirant un trait sur cette dernière à cause d'une trop grosse rancœur d'adolescente, elle a laissé tomber une vie...