Chapitre 2

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Je soupire longuement, avachie sur le siège conducteur de ma 2 CV jaune. Je suis à mon troisième gobelet de café et je commence à m'impatienter, en plus d'avoir envie d'aller aux toilettes. Mais il suffirait que je m'absente deux minutes pour tout foirer.

J'ai été engagée par un homme qui soupçonne son épouse de le tromper avec son propre frère. Il n'y a pas à dire, les histoires d'amour, quelle que soit l'espèce concernée, ça craint. Il y en a toujours un qui termine malheureux.

Soudain, mon regard est attiré par le manteau en velours rouge de ma cible. Elle le porte tous les jours, sans exception. Quoi de plus discret pour une escapade extra-conjugale ? Franchement, certains humains ne sont pas les êtres les plus fûtés de la création. J'attrape mon appareil photo instantané et sors de ma voiture pour suivre discrètement la femme blonde. Je pourrais presque la suivre à l'oreille, ses escarpins carmin frappent le pavé à un rythme soutenu. C'est qu'elle est pressée dites-donc !

Je marche à bonne distance pour ne pas me faire repérer et je la suis jusqu'à arriver devant un petit café. Le frère de mon client y est déjà attablé, lunettes de soleil sur le nez. Comme si ça suffisait pour cacher son identité, tiens. Il se lève et prend la femme dans ses bras. J'appuie sur le bouton de mon appareil et aussitôt un polaroïd en sort. Je fourre la photo dans ma poche et je vais me poster sur le trottoir d'en face, près du marchand de journaux. Une accolade et une boisson partagée, ce n'est pas la preuve dont j'ai besoin. Je m'arme donc de patience en feignant de lire un magazine jusqu'à ce que mes deux cibles se lèvent enfin et quittent la petite terrasse.

Je m'empresse de leur emboiter le pas, et les suis lorsqu'ils s'engagent dans une discrète voie sans issue où l'homme a garé sa voiture. Une magnifique Bentley soit dite en passant. Je me dissimule derrière les autres véhicules stationnés à proximité et la preuve que j'attends ne tarde pas. Adossée à la portière, Madame agrippe son amant par la cravate et l'attire à elle pour un baiser passionné. Je suis presque sûre qu'elle peut lui toucher les amygdales à ce train-là. Je réprime un frisson de dégoût et immortalise la scène. Je secoue le polaroïd jusqu'à ce que l'image apparaisse et une fois sûre que la photo est claire, je tourne les talons. Mission accomplie.

Je regagne ma voiture et glisse la preuve dans une enveloppe déjà libellée et timbrée. Voilà une enquête rondement menée. Peut-être un peu trop facile, ça en devient ennuyant.

Je tourne les clés dans le contact et promène mon carrosse dans les rues de Duneach jusqu'à me garer sur le parking devant mon appartement. Il fait beau et j'ai besoin de me dégourdir les jambes. J'attrape ma sacoche contenant mon ordinateur, ainsi que mon enveloppe, et je marche à grands pas jusqu'au commissariat, à moins de trois kilomètres. Une fois arrivée, je plaque un sourire poli sur mes lèvres et pénètre à l'intérieur du bâtiment.

— Bonjour, Maureen ! lancé-je à l'attention de la secrétaire d'accueil avant de m'accouder à son comptoir. Comment ça va, aujourd'hui ?

— Très bien Mademoiselle, merci ! Que puis-je faire pour vous ?

Je l'aime bien Maureen. C'est une quinquagénaire vintage : tailleur portefeuille au motif Burberry, souliers à brides, col claudine et chignon blond impeccable. Elle a toujours l'air de sortir d'un vieux film en noir et blanc, et j'adore ça.

— Si vous pouviez glisser ça dans le courrier à envoyer, ce serait super !

— Bien entendu.

Je lui laisse mon enveloppe avec un clin d'œil et me dirige vers la salle de réunion, seule pièce où je suis autorisée à pénétrer pour travailler sur l'affaire des fondus. J'allume mon ordinateur et le temps qu'il chauffe je me plante devant la grande carte accrochée au mur. A l'aide d'épingles rouges, nous avions répertorier les cas similaires à travers le Monde, du moins ceux ayant été rapportés par la presse ou les policiers étrangers. Une trentaine de points rouge dardent sur les différents continents. Le mal responsable de ces horribles meurtres frappe aux quatre coins de la planète, sans distinction de genre ou de couleur. Ou d'espèce.

Les Suppliciés de l'Ombre 1. L'ennemie impalpableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant