Les Suppliciés de l'Ombre 1. L'ennemie impalpable

Chapitre 3

Je presse le pas en sortant du commissariat. Je déteste les rues de Duneach à cette heure-ci. Certains humains ont la fâcheuse tendance à devenir détestables lorsqu'ils croisent une femme une fois la nuit tombée. Qu'est-ce que je raconte ? La journée aussi, en fait. Mais le vendredi soir est pire que les autres soirs, surtout à la sortie des bars.

Quelqu'un me suit depuis deux ou trois rues. C'est peut-être une coïncidence mais je regrette quand même de ne pas avoir pris la voiture aujourd'hui. De plus, le vent s'est levé et les bourrasques s'engouffrent dans les manches de ma veste, me faisant frissonner. J'enfonce mes mains dans mes poches et jette un rapide coup d'œil derrière moi. Sur le trottoir opposé il y a un homme, plutôt grand, mais la lumière blafarde des lampadaires ne me permet pas de l'observer plus en détails. Je continue ma route et j'entends le claquement de ses chaussures sur l'asphalte alors qu'il traverse la rue pour rejoindre le trottoir sur lequel je suis.

J'accélère l'allure et tourne au coin d'une rue. Je me plaque contre le mur et me saisit du cran d'arrêt que je cache toujours dans ma bottine. On n'est jamais trop prudent, la preuve. Je sais que ma nature de Sylva me rend plus forte et plus rapide que la plupart des femmes humaines, mais certains hommes sont quand même difficiles à maitriser.

A l'affût, j'attends que le bruit des pas soit assez proche, et je bondis pour saisir mon stalker par le col de sa chemise et le plaquer contre le mur, ma lame sous la gorge. L'homme lève immédiatement les mains en l'air et me dévisage avec un air de surprise.

- Tout doux, Darling ! Ce n'est que moi !

Je relâche le Sylva en grognant et lui agite mon couteau devant le visage :

- Je peux savoir pourquoi tu me suis espèce d'imbécile ? T'as failli te faire découper !

- Désolé ! Je...

- Je quoi ? grondé-je. Je n'ai pas été assez claire au poste aujourd'hui ? Je ne cherche pas de collaborateur, Murphy me suffit amplement !

- Oui, j'ai saisi ! riposte Monsieur costume trois pièces. Je voulais seulement vérifier ça !

D'un geste brusque, il m'arrache mon bonnet et me pointe d'un doigt victorieux :

- Haha ! Je le savais ! Que fais-tu chez les humains ?!

Je le scrute de haut en bas, mon agacement doit se lire sur mon visage. Je lui reprends le bonnet des mains et l'enfonce de nouveau sur ma tête.

- La même chose que toi, idiot. J'enquête sur les fondus.

- Techniquement, j'ai fui une situation familiale déplaisante pour venir enquêter ici. Parce que j'aurais tout aussi bien pu le faire depuis chez nous, en soi.

- Alors retournes-y et fiche-moi la paix.

Je tourne les talons et reprend ma route en tentant d'ignorer le grand blond aussi collant qu'un chewing-gum sous ma chaussure.

- Mais tu n'as rien écouté de ce que je viens de te dire, Darling. Je ne veux pas retourner là-bas. Des obligations m'attendent et elles sont loin de m'enchanter.

- C'est quoi ton nom déjà ? demandé-je en faisant volte-face, manquant de me prendre son torse de plein fouet tant il me suit de près.

- Audran.

Je le fixe un instant, les yeux plissés, avant de hausser les épaules.

- Ok.

- Tu me connais ?

- Je devrais ? demandé-je en haussant un sourcil. On est allé à l'école ensemble, où un truc comme ça ? Parce que ta tronche ne me dit rien.

- Non. Non, j'ai seulement cru que... Laisse tomber.