Elle est douce. Elle aime caresser avec tendresse la peau de ses enfants. Elle les frôle de son voile tantôt blanc tantôt noir. Elle veille sur eux depuis sa prison infinie, loin de tous ceux qu'Elle a créé. Elle est éternelle et pourtant éphémère. Elle brille telle une étoile. Elle rassure d'un murmure sa descendance qui tend ses frêles bras vers Elle. Elle est leur mère à tous. Elle veut les sauver de la noyade dans l'Océan glacial, de la brûlure des Flammes rougeoyantes. Elle a peur pour eux. Elle leur donne tout. Ils puisent en Elle la vie, comme un nourrisson boit le lait de sa mère. Ils aspirent sa beauté pour en faire leur trophée volé. Ils la détruisent sans scrupules ni regrets, sans voir qu'Elle saigne éperdument sous leurs coups de feu. Elle les voit s'entretuer pour ce qu'Elle leur a offert. Elle voit ses enfants, liés par le sang et l'amour, se déchirer avec violence pour des causes perdues. Elle voit les familles pleurer, désespérées, devant des sépultures. Elle ploie sous le poids des cadavres qui peuplent le vide laissé par les guerres. Elle veut s'ouvrir les veines, pour quitter ce monde de folie. Elle regrette le temps où il faisait bon de vivre. Elle s'affaiblit là où ils prospèrent. Elle souffre là où ils tirent du plaisir. Elle se raccroche aux images des amants qui s'enlacent, qui procréent, avant de se maudire d'avoir enfanté, et donné à leur progéniture une vie qui cessera peut-être le lendemain de sa naissance. Elle se meurt sous les attaques des bombes qui laissent une cicatrice profondément ancrée en Elle.
Et c'est sûr Elle qu'il vit.
Il est beau comme le jour et la nuit. Il est doux comme du velours.
Il se fiche bien du monde autour, il est ailleurs. Il vit dans un univers inconnu, où peut aller celui qui y croie vraiment. Pas besoin de sacrifice, il suffit d'aimer pour pénétrer dans le Royaume Interdit. Là où il vit, l'amour n'est pas prohibé.
Il peut être avec celle qui, chaque seconde, le comble de plaisir. Lorsqu'il croise son regard bleuté, il se noie dans un océan de tendresse.
Elle est sa muse. Il est son poète. Il lui murmure des mots écrits à l'encre de ses veines, enlacés dans des draps de soie blancs, et elle lui ouvre son cœur.
Elle chante sous la pluie, elle danse sous le soleil. Elle court dans les champs qui s'étendent à perte de vue, elle ouvre les bras, et s'envole, portée par les ailes de la passion. Elle étreint sa destinée, et l'accueille et l'accepte. Elle n'a pas peur. Elle n'a que faire du destin. La douleur ? Elle ne l'affronte ni la repousse, mais elle la dompte et l'apprivoise, jusqu'à en faire une amie.
Et Elle, au sommet du monde, elle contemple ces deux enfants qui s'aiment, se caressent et s'enlacent. Ils sont son seul espoir. Puisse-t-ils prospérer et lui offrir un univers en paix, où ni bataille ni douleur ne régnerait, mais que le plaisir, éphémère, volupté, sera roi, avec pour reine le sentiment amoureux, qui fait battre tant de cœurs.
Elle le sait, ils triomphent toujours.
Pour eux Elle n'est qu'une terre. Une vie. Une statue. Un tableau.
Jamais ils ne sauront qui Elle est vraiment.
Elle est tout, Elle est rien.
Elle est lui, Elle est elle.
Mais Elle est là, et veille sur nous.
Elle.
