Jour Six

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Sans rancune aucune
Car le Soleil la chérit
Elle a fait sa fortune
À l’ombre de celui-ci.

Même à n’être qu’une
Plusieurs est la Lune
Chaque nuit elle varie
Selon humeur et envie.
                 
- S. Moysan.

- Et bonne soirée.

Le client s'en va avec sa boisson et un sourire poli que je n'arrive pas à lui rendre. Je ne me sens vraiment pas bien. Au moment où il passe la porte, un homme avec une longue veste entre. Ses sourcils épais se froncent un peu lorsqu'il observe la salle du café. Enfin, ils posent ses yeux sur moi et me sourit. Il avance en traînant des pieds, ses chaussures trop grandes avec lui.

- Bonsoir mon p'tit.

Je me contente d'opiner du chef. Cela ne semble pas le déranger. Il plonge sa main dans l'intérieur de son manteau sans me lâcher du regard.

- Mes inquiétudes étaient donc légitimes.

L'inspecteur Hiro Tamada n'est pas du genre à tourner autour du pot. Lorsque je l'ai appelé le matin dernier, je lui ai tout raconté. Il m'a cru. Pas comme Isao qui m'avait ri au nez l'autre fois. Je n'ai jamais été aussi heureux de voir quelqu'un depuis longtemps.

De sa poche intérieure, il en ressort un stylo qu'il tapote sur le comptoir qui nous sépare. Je m'attendais presque à ce qu'il dégaine un flingue. Mais je ne vis pas dans un film policier.

- Vous avez bien fait de m'appeler, reprend le détective privé. La police n'aurait rien fait.

Son regard est sérieux. Je me demande s'il sort cette phrase à tous ses clients. Hiro Tamada désigne la baie vitrée d'un geste du menton.

- Je vais faire le tour du café. Vous n'avez aucun soucis à vous faire. S'il y a quoi que ce soit de louche, je m'en charge.

Il m'adresse un sourire confiant. Cela me rassure un brin. Sur ce, Hiro ressort par la porte d'entrée. Je l'observe longer la baie vitrée de la boutique un instant, puis il s'en va analyser le parking. Lorsqu'il est hors de vue, je souris légèrement. Un petit groupe de personnes entre alors, et je me remets à la tâche, l'esprit plus serein.

*

Une heure plus tard, je ferme la fenêtre du drive où un client en voiture vient de repartir, son café et son beignet en main. Tout se déroule comme d'habitude. Une femme entre dans la boutique, et je m'en vais l'accueillir puis prendre sa commande. Elle demande un chocolat liégeois.

Alors que je lui tends le gobelet décoré de chantilly, la cliente me dit en le prenant :

- Merci jeune homme. Au fait, vous faites réparer l'antenne ?

Je la regarde perplexe. Qu'est-ce qu'elle raconte, celle-là ? Voyant mon incompréhension, elle désigne l'extérieur du pouce :

- J'ai vu quelqu'un sur le toit, c'est pour ça. Après, j'ai peut-être rêvé.

Elle pose sa monnaie que je fixe en silence. Sans perdre plus de temps, elle me salue d'un geste de la main et ressors de la boutique. Je vais m'appuyer sur le comptoir des boissons dans mon dos, songeant en regardant le sol.

C'est peut-être Hiro Tamada qui fait son inspection. Tout de même, c'est étrange. Ma conscience préfère en avoir le cœur net. Je me redresse et, après avoir vérifié qu'il n'y avait aucun client en vue, m'engage dans la pièce privée.

Je sors à l'extérieur, empruntant la porte que je pousse pour aller jeter les ordures à la benne d'habitude. Il y a deux portes dans la remise, celle-ci et une autre dont je ne connais pas l'utilité. Ce doit être un local qu'utilise Isao. Je n'y prête pas attention, faisant le tour du café en longeant le parking désert.

𝗧𝗵𝗲 𝗖𝗹𝗼𝘀𝗶𝗻𝗴 𝗦𝗵𝗶𝗳𝘁Où les histoires vivent. Découvrez maintenant