Chapitre 2 - Matthieu

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Avant, je n'aurais jamais pensé qu'un jour je puisse changer l'image que j'avais d'elle. Je n'aimais pas les rousses. Elles avaient la peau trop claire, parfois trop de taches de rousseur, elles étaient trop pâles. Bref. Je ne les portais pas dans mon cœur. Mais comme on dit : il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. 

Pour être honnête, l'observer pendant si longtemps m'a certainement retourné le cerveau. Je ne la voie plus du tout comme avant. Je n'éprouve plus les mêmes sentiments à son égard. Je ne saurais décrire ce que je ressens aujourd'hui lorsque je pense à elle ou que je l'observe.

Fou, me direz-vous ? J'ai conscience que ce que je fais pourrait être interprété comme des paroles que pourrait avoir Joe, cet homme obsessionnel des femmes dans la série You

Il faut que je sache qui tu es vraiment, Magnolia.

Sa peau est lisse, elle a l'air douce. Ses cheveux sont longs, soyeux, brillants et évidemment : roux. Son visage porte des taches de rousseur, mais sur elle, c'est comme si je voyais de multiples étoiles illuminer son visage d'ange. Mais qu'est-ce que je raconte ? Qu'est-ce qui m'arrive ?  Ses yeux sont d'un vert puissant, émeraude ; un regard que l'on n'oublie pas et qui vous hypnotise. Son sourire est radieux et les jours où je ne la voie pas sourire me brisent le cœur d'une certaine façon. J'aimerais tellement pouvoir la rendre heureuse, la voir rayonner chaque seconde de chaque jour qu'elle vivra. Désormais, c'est devenu mon souhait le plus cher. Même bien avant mes propres volontés.

Je suis désolé.

Pourquoi le destin est si cruel avec moi ? Pourquoi suis-je une personne aussi horrible ? Pourquoi suis-je en train de vivre un cauchemar éveillé ? Tout le monde déteste les cauchemars car ils font peur. Mais leurs cauchemars ne passent pas la porte du monde réel. Pour eux, les cauchemars ont une espérance de vie limitée. Le temps d'une nuit. Quelques heures terrifiantes qui durent une éternité dans nos cerveaux.

Mes cauchemars sont bien réels. J'aimerais me réveiller, comme les autres personnes qui m'entourent, en ayant une vie moins cauchemardesque que la mienne. Toute ma vie je me suis demandé pourquoi moi ? Qu'ai-je fait pour mériter d'avoir une vie telle que la mienne ? 

Une vie sans amour, sans goût, sans joie, sans amis, sans personne vers qui me tourner quand le monde s'acharne sur moi. Je suis seul. Je n'ai jamais été aussi seul. Il y a quelques années je ne l'étais pas mais aujourd'hui, c'est différent. Aujourd'hui, tout a changé. Tout est de ma faute.

Pourquoi ?

Ce n'est pas ta faute, m'a dit une fois ma mère. Pourtant, je n'arrivais pas à la croire.

J'ouvre - silencieusement, bien entendu - mon armoire afin de trouver une tenue à peu près convenable pour pouvoir participer à la soirée d'une fille populaire du lycée, Klarisse.

On peut dire que je n'ai pas vraiment le choix. Les vêtements qui m'appartiennent peuvent se compter sur les doigts des mains. Je n'ai pas non plus de tenues très diversifiées. J'opte pour mon t-shirt noir et mon pantalon cargo noir habituels. Et, pour rester dans la discrétion, je vais mettre mes Air Force 1 toutes noires. Je déteste me sociabiliser. Si j'y vais, c'est seulement pour m'échapper de chez moi. Moins je passerais du temps à la maison, mieux je me porterais. 

Finalement, je suis satisfait de ma tenue, c'est le meilleur moyen pour passer inaperçu. Je vais pouvoir m'entraîner un peu à danser sans que personne ne me remarque. Quand je trouverais le moyen de sortir de chez moi et d'arriver là-bas, ils seront déjà tous défoncés par la drogue et soûls. Personne ne se souviendra de moi. Personne ne me remarquera.

Alors que je finissais de mettre mes chaussures pour partir discrètement, j'entendis ses pas dans les escaliers. Le bruit est puissant et lourd, les pas sont lents mais déterminés. Aucune échappatoire, pensai-je. Le silence dans cette maison est terrifiant. Seul le bruit de ses pas résonne. Il crie mon prénom et je perçois dans sa voix qu'il a bu. Habituel. Combien de bouteilles cette fois-ci ? Visiblement pas assez pour qu'il s'endorme dans le canapé. Pas assez non plus pour qu'il m'oublie. Pas assez pour me laisser le temps de disparaître.

Dare DanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant