Forever Young (histoire terminée)

Chapitre 23 (nouvelle version)

JAKE

Alors que je suis sous la douche, je repense à cet après-midi. Curieusement, j'ai bien aimé inculquer à ces gosses les bases du surf. Pourtant, ce n'était pas gagné, je n'ai jamais été à l'aise avec les enfants. Ils me rendent jaloux, parce que l'innocence qui se reflète dans leurs yeux m'a toujours été interdite. En fait, je ne me souviens même plus des périodes joyeuses de mon enfance, seul le négatif semble subsister. J'ai d'abord été amoureux, puis brisé avant d'être en colère, pour finir par m'enfermer dans une relation abusive.

L'eau coule le long de mon visage, mais je sens à peine la température élevée. Mon corps est comme anesthésié par le constat alarmant que Marlow m'a balancé hier.

Paige m'a violé.

Putain, même en le prononçant dans ma tête, je ne réalise pas totalement. J'étais convaincu qu'un homme – ou un jeune homme – ne pouvait qu'être attiré par une femme qui l'allume. Qu'il ne pouvait jamais coucher sous la contrainte et qu'il y prenait toujours plaisir. Mais c'est un leurre. La vérité, celle que personne n'ose dire, c'est que parfois les hommes aussi subissent et se taisent. Que le consentement est une notion indispensable dans une relation et ce, pour les deux sexes.

On ne nous inculque pas ce genre de précepte dans la vie. En réalité, les facteurs sociétaux sont assez réducteurs : l'homme ne peut être une victime, il est forcément bourreau. Manifestement, c'est faux. J'en suis la preuve vivante, et je ne suis sûrement pas le seul dans ce cas.

Ce qui m'effraie le plus, c'est que maintenant j'accepte ce nouveau statut de victime, mes proches vont-ils me croire ? Si j'en parle, ne vont-ils pas dire comme ma mère qu'un homme ne peut pas être agressé par une femme ?

Je suis désespéré, et émotionnellement fatigué par ce qu'il se joue dans mon existence. Toutes ces réflexions tournent en boucle dans mon esprit depuis que Marlow m'a ouvert les yeux.

Pourtant, malgré l'angoisse qui me broie les entrailles, un sourire prend forme sur mes lèvres.

Marlow.

Comme c'était agréable de la déstabiliser. J'adore la voir perdre ses moyens face à moi. Plus important encore, son idée d'activité m'a permis de calmer la tempête qui faisait rage en moi. Elle m'a permis d'oublier pendant cet instant la terrible vérité : je suis une victime. Sans elle, je ne sais pas comment j'aurais réagi, cet événement a diamétralement transformé notre relation en quelque chose de plus puissant. Maintenant, j'ai la sensation que Marlow est un soutien, une écoute active. En somme, elle est devenue la guérison de ma blessure mentale.

Après un temps bien trop long à rester sous l'eau, ma peau est flétrie. Je m'entoure d'une serviette, puis sors de la salle de bains. Dans le couloir, je croise Ash' qui se dirige vers ma chambre.

— Ah ! Tu es là ! Il faut que l'on discute tous les deux.

Elle s'approche et se plante devant moi, le regard acéré.

— Tu permets que je m'habille avant ? lui réponds-je en montrant mon corps à moitié nu.

Elle m'examine rapidement avant de grimacer de dégoût.

— Eurk, t'as raison, cache-moi ça, je ne veux pas finir traumatisée si ta serviette tombe à nouveau ! rétorque-t-elle en me rappelant ce moment épique dans la cuisine.

Bordel, j'ai l'impression qu'il s'est passé une éternité depuis cet épisode. Ma vie à pris un tournant plus dramatique depuis, et en même temps, j'ai trouvé mon nouveau souffle de vie ; Marlow.

Je me dirige vers la chambre ricanant encore des paroles de ma sœur.

En revêtant mon boxer et mon jean, je me surprends à sourire, les joutes avec Ashley m'ont manqué, me rapprocher à nouveau d'elle me fait du bien. Je regrette notre éloignement, qui est en partie de ma faute. L'idée d'avoir une discussion avec elle me soulage. C'est comme si toutes ces années de silence s'étaient évaporées. Notre relation redevient fusionnelle et je suis content d'avoir récupéré cette complicité avec ma grande sœur. J'ai vraiment été un connard. Je réalise que mes conneries et mon comportement ont impacté beaucoup trop de personnes dans ma vie.