Forever Young (histoire terminée)

Chapitre 8 (nouvelle version)

JAKE

J'ai l'impression d'être à nouveau ce gosse de 15 ans avec nos singeries, avant que je ne gâche mon innocence avec Paige. C'est comme si Marlow était une bouffée d'oxygène, la sensation me rappelle celle que je ressens lorsque je suis sur l'eau : c'est la vague sur laquelle je surfe, celle qui me rend libre. Sa présence obstrue les pensées lugubres qui pénètrent parfois mon esprit, et je me sens moins étriqué.

Avec elle, je suis moi-même.

Après l'épisode de la bassine, j'ai laissé Marlow tranquille, parce que je ne me faisais pas confiance, si je l'avais poursuivie j'aurais sûrement craqué. J'avais besoin de prendre mes distances.

J'ai failli faire une sacrée connerie dans ce lit. Elle était à ma merci, dans mes draps, c'était comme si mon fantasme d'adolescent se réalisait. Sa peau douce, sa poitrine menue contre mon torse, son sexe humide contre ma raideur. Bordel, j'ai cru que j'allais déconner. Je suis presque à deux doigts de la remercier pour ce seau d'eau fraîche.

Cette fougue qu'elle porte en elle me déstabilise. Dans ces moments, je n'arrive plus à déceler la colère que je devrais ressentir envers elle. Je ne vois que Marlow, dans toute sa splendeur.

J'ai senti sa présence dans ma chambre à l'instant où elle est rentrée. Malgré la musique qui se diffusait encore dans mon casque, je ne sentais plus que son regard lourd sur mon corps. C'était grisant. J'aurais voulu résister, j'aurais voulu qu'elle se lasse de me voir dormir et sorte de la chambre, mais j'ai ouvert les yeux et j'ai vu les siens glisser sur mon corps. Dans la seconde j'attrapais son poignet, et la basculais sous moi.

Plus rien d'autre n'avait d'importance que son corps sous le mien, que sa respiration courte, que ses lèvres pulpeuses.

Pense à l'eau froide, Jake, pense à l'eau froide, me répété-je pour éviter une érection malvenue.

Ce qui me rend encore plus abjecte, c'est qu'à aucun moment l'image de Vanessa ne m'a effleuré l'esprit. J'ai oublié ma petite amie au profit de la femme qui m'a brisé le cœur étant enfant. Je dois avoir des penchants masochistes, je ne vois pas d'autres explications.

— Jake, ça va ? m'interroge mon meilleur ami en me sortant de mes réflexions.

Daryl et moi sommes attablés sur la terrasse de l'Eagle, situé sur l'une des plus grandes avenues de Hellwood, au bord de l'océan. Le nom de l'établissement est trompeur, car vous ne trouverez aucun aigle ici. La patronne du lieu est juste une passionnée de ces rapaces. Marla a repris la gérance de ce petit bar de plage à la suite de son père, devenu trop âgé pour tenir la boutique. Nous venons ici depuis un an, alors qu'aux yeux de la loi, nous ne sommes même pas majeurs – enfin moi surtout, Daryl a maintenant 21 ans. Marla ferme les yeux sur la jeunesse de sa clientèle, consciente que son bar est exclusivement fréquenté par cette population.

— Oui, tout roule, mon pote.

Daryl me regarde d'un air suspicieux.

— C'est à cause d'elle, n'est-ce pas ? T'es bizarre depuis son retour, enfin je veux dire plus bizarre que d'habitude.

Ouais, mon ami. Je ne pense qu'à elle et ce n'est foutrement pas normal.

— Tu sais, c'est difficile de l'ignorer alors que l'on vit dans la même baraque, me justifié-je pour clore le sujet.

— J'avoue que ça ne doit pas être simple tous les jours.

T'as pas idée.

Nous sirotons notre boisson en admirant le front de mer.

— Et toi, Daryl, t'as réussi à choper quelques numéros de téléphone au pub l'autre soir ?

Mon ami soupire et se gratte la gorge. Il semble mal à l'aise et je me demande ce qui le chiffonne.