Chapitre 1

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Cela fait deux heures que la nouvelle à été dévoilée. Deux heures que mon coeur ne veux pas arrêter de s'accélérer d'un coup. Personne n'en a parlé. Déjà, je sais que c'est un nouveau sujet tabou entre mon père et moi. A vrai dire, je ne l'ai pas beaucoup vu cet après-midi pour en parler, mais ce soir, à table, aucun de nous n'ouvre la bouche hormis pour avaler quelque chose.

D'habitude, ce n'est déjà pas trop ça de parler avec lui, on mange silencieusement, sur cette grande table faite pour dix, qui ne sert en réalité qu'à nous deux. Parfois, papa parle de ses affaires, de son argent, de ses passages à la télé. Il adore répéter à quel point il est riche et célèbre, et à quel point l'invention du lasécran à changer sa vie. Et la mienne. Ces simples lasers colorés et tactiles qui remplacent la télévision ont été révolutionnaires. Moi, je ne comprends pas vraiment à quoi ça sert. Et je ne vois pas ce que ça fait qu'il soit le troisième homme le plus riche du monde. Et dire qu'il veut à tout prix la première place. Moi, ça m'embête. Je n'ai pas vraiment une vie normale, comme toutes les autres filles. Je passe ma vie dans cette demeure, où j'étudie et vie. Mais bon. C'est comme ça. On s'y fait. Au moins, mon père est heureux,enfin je crois.

Puis ma pensée divague. A quoi bon avoir fait tous ces efforts si la planète Terre se meurt? Ils disent pouvoir trouver bientôt une solution, mais j'ai peur de ne pas y croire. Mon cœur se remballe et mon estomac se tord. On pourrait dire que c'est parce que j'ai trop mangé de ces pommes de terres fondantes, mais je sais que je n'ai à peine avalé cinq bouchés.

     - Tu n'as pas faim? Me coupe la voix de mon père.

     - Non, pas trop. Je peux sortir de table.

     - Vas-y.

A peine parti, j'entend la voix de mon père ordonnant au lasécran de s'allumer. La voix de la journaliste résonne partout, comme si dans chaque pièce de la grande maison, un lasécran était allumé. J'ai l'impression d'entendre de partout les voix qui prédisent une mort certaine, qui rassurent, qui expliquent ce qu'il se passe. Mais je ne veux plus rien entendre. Je claque la porte de ma chambre et m'enfouis sous les couvertures. Et il n'y a personne pour me rassurer. Maman n'est plus avec nous depuis six ans, déjà, et Marie est partie voir sa fille. Parfois, j'oublie qu'elle à une fille. J'oublie qu'elle à une autre vie que celle qu'elle partage avec mon père et moi. Qu'elle a une fille, et qu'elle l'aime, elle, et qu'elle ne l'a jamais abandonné. J'aimerais prendre Marie pour moi tout de seule, me perdre dans les grands bras et son odeur de lavande et de produits ménagers, l'appeler maman et qu'elle me caresse les cheveux en me chuchotant que tout va bien. Je suis si égoïste.

Maman, elle, est partie sans rien dire, un lundi. Après m'avoir emmené à l'école. A l'époque, papa venait de commencer les ventes des lasécrans. Je me souviens que je le disais à tous mes camarades. Il fallait voir comme j'en étais fière. Aujourd'hui, je le cache du mieux que je peux. Ce lundi-là, quand la cloche à sonné la fin de l'école, j'ai attendu que maman vienne me chercher. Un quart d'heure, une demi-heure, une heure. Quelqu'un a remarqué qu'une petite fille pommée était plantée sur la route. Je ne sais plus qui c'était. Un homme, une vieille femme, une adolescente peut-être. Je ne sais plus exactement ce qu'il s'est passé, mais je sais que le soir, j'étais dans mon lit, et que ma mère n'était pas à la maison. Et elle n'est jamais revenue.

Ce soir, les idées noires ne quittent pas mon esprit. Je ne sais pas combien de temps j'ai passé là, les souvenirs passant les uns après les autres, se bousculant pour avoir la place. Ils se battent, se mélangent, se confondent. J'ai juste envie de me perdre dans le sommeil. Mais même là-bas, les cauchemars me rattrapent. Je me tourne pour regarder l'heure, qui affiche deux heures du matin. Déjà. Je sais déjà que je ne vais pas dormir. Ça ne sert plus à rien d'essayer. Je me lève et enfile ma veste. Je suis encore habillé, je n'ai pas pris la peine de me changer tout à l'heure. Je prends mon téléphone dans ma poche, et me dirige vers le balcon de ma chambre. Comme j'ai l'habitude de faire depuis maintenant deux ans, je descend le long de la gouttière, en me laissant glisser le long de la paroi circulaire et descend sur le sol. Mes pas crissent sur la caillasse. C'est le seul bruit de la nuit. A part peut-être les voitures dans le lointain, mais ça fait bien longtemps que je n'y fais plus attention.

𝟏 𝐬𝐞𝐜𝐨𝐧𝐝𝐞 𝐝𝐞 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant