|🥀| - 2 Last Chery

41 4 0
                                    




Rose


— Tu pars ce soir ? me demande Elisa.

J'acquiesce en mastiquant un bout de ma viennoiserie, accoudée contre le comptoir du hall d'accueil, Elisa assise derrière avec une autre collègue.
Le hall semble cependant bien vide maintenant que notre taureau préféré a déserté les lieux... La plupart des internes ici préfèrent éviter le sujet et je sens bien que je suis regardée d'une autre manière. Bonne ou mauvaise, on vient parfois m'importuner pour me demander des détails sur mon entrevue avec la montagne de muscle Victor Quinn même si je ne m'épanche jamais. Que des commères...
Et puis j'aime bien garder le secret de ce moment pour moi, et laisser les autres dans le mystère. Ça me fait bien marrer de les voir s'interroger ! J'utilise l'excuse du secret médicale.

D'ailleurs ils ont annoncé hier soir à la télé la date du procès de Victor. Bien que je ne m'en rappelle pas...
— Où sont Robin et Alan ? demandais-je finalement à Elisa en sortant de mes réflexions.

— Robin s'occupe d'un patient et Alan était au bloc, mais je l'ai vu sortir il y a un bon quart d'heure déjà...

J'arque un sourcil. Étrange...
D'habitude il nous rejoint directement après une opération...
Je me retourne vers Elisa qui me lance un regard insistant, puis je comprends.
Oh...
— Vas-y ! m'incite-t-elle.

Je ne peux m'empêcher de lâcher un soupir en répondant :
— Et toi ? Tu es meilleure que moi pour consoler les gens...

— Mais tu es la seule qui arrive le consoler !

— Il est où...? soufflais-je.

— Comment tu peux être aussi indifférente ?

Son ton accusateur me fait froncer les sourcils et je réponds :
— On a juste pas la même manière de gérer ça. Il est où ?

— Sûrement dans les escaliers de secours Ouest.

Sans attendre de réponse, je lui montre mon dos en emportant une autre viennoiserie dans la poche de ma blouse. Puis je me dirige vers les escaliers de secours Ouest.
Pff... Indifférente ? Elle exagère. Moi ? Indifférente ? Non. Je connais ces situations et j'ai appris à les gérer c'est tout.

Je traverse les couloirs et entends alors des bruits de verre qui s'écrasent venant d'une chambre. Je m'arrête en voyant une interne sortir en trombe d'une des chambres, l'air paniqué. Elle court alors dans le sens inverse et curieuse, je m'arrête devant la chambre. Une petite est accroupie contre le mur à côté de moi et sanglote le visage caché entre ses bras croisés sur ses genoux.
— Non ! Il ne peut pas être mort !! Mon fils ne peut pas être mort !!!

Un homme d'une quarantaine d'années se tient dans la chambre devant un lit vide et... Oh oui. Je me souviens, c'est la chambre du petit à qui on a fait une greffe de cœur. Il n'a pas tenu alors...
Je regarde la petite entrain de sangloter à côté de moi et je m'accroupis face à elle en lui demandant :
— C'est ton père ?

Elle relève son visage bouffi vers moi en acquiesçant et elle répond :
— Mon grand frère est mort... Il est mort et mon père... Mon père... Il est... Il est...

— D'accord. Je vais parler à ton père.

Je me redresse et reviens devant la chambre, l'interne en face du quarantenaire se retourne alors comme s'il avait senti ma présence, et me lance un regard implorant. Pff... Je vais avoir du mal à en gérer deux à la suite...
La brutalité de ce moment me rappelle inévitablement un certain taureau qui était prêt à charger quiconque oserait le toucher...
Rose ce n'est pas le moment.

Authentic Rosaline [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant