Extrait - To do list

Chapitre 1

L'effort me fait retenir mon souffle jusqu'à ce que mes pieds aient atteint le trottoir. Un pas devant l'autre, lentement, je traverse la rue les bras chargés de sacs de courses. Un soupir s'étouffe dans ma gorge et je grommelle. Franchement, Alex aurait pu m'aider. Au lieu de ça, elle a préféré fuir lâchement en prétextant un rendez-vous de la plus haute importance. C'est toujours la même excuse. Je pose avec peine ma cargaison et masse mes doigts douloureux. Avec soulagement, je redresse la tête et souris devant mon immeuble. Tirée de force de mes pensées, j'évite de justesse un cycliste qui frôle le trottoir et me bouscule. Un de mes sacs s'ouvre et son contenu s'étale sur le sol. Je me hâte de tout ramasser, paniquée à l'idée qu'une voiture roule sur mes provisions. Je fourre machinalement ma main dans la poche droite de mon manteau pour y trouver mes clefs... et merde. Mes épaules s'affaissent. Il ne manquait plus que ça. Je tente de me frayer un passage entre mes sacs jusqu'à la porte verrouillée et appuie sur le bouton correspondant à mon appartement juste sous mon nom. L'interphone sonne et grésille désagréablement. Un bip retentit et la voix de ma deuxième colocataire, Julie, m'arrive aux oreilles :

« Ah, Sonia. Tu en as pris du temps ! Je parie que tu as encore oublié tes clefs ?

— Alex a pris le double en partant.

— Bon. Tu peux entrer ! »

J'attends le déblocage intérieur de la porte et glisse mes paquets alimentaires dans le hall. Je me retourne un court instant, analysant ma situation. Décidément, il est grand temps de faire un troisième double des clefs. Si Julie n'avait pas été dans l'appartement, j'aurais été contrainte d'attendre le retour d'Alex ou de demander encore une fois à la voisine de m'ouvrir. J'avance devant l'ascenseur pour lire avec ennui la petite pancarte « hors service » accrochée sur les portes fermées. Je fronce les sourcils et dévisage l'ensemble de mes paquets avec découragement. Je vais devoir monter les escaliers, armée de mes courses, seule et jusqu'au cinquième étage. La poisse.

Alors que je dépose le dernier sac de courses sur le palier, Julie m'ouvre la porte en souriant :

« Tu as acheté ma glace au caramel ?

Et bien, je... »

Je la dévisage, ne sachant que répondre. La frustration me prend et je dépose tous les sacs sur le canapé :

« Et voilà. Je savais que j'avais oublié quelque chose.

Sonia ! Tu ne fais aucun effort. La prochaine fois je te ferai une liste des choses à acheter. Comme les vieux.

Je te rappelle que je suis la seule à faire les courses ici.

Normal, tu nous as formellement interdit de toucher au budget nourriture, moi et Alex.

Oui, parce que vous achetez n'importe quoi ! »

Julie m'adresse un regard faussement outré et s'avachit sur le canapé, au milieu des sacs.

« Je ne vois pas de quoi tu parles. Je suis très mature comme personne.

Tu n'as qu'à te trouver une source de revenus stable, et ensuite tu iras la dépenser à ton bon vouloir. Je n'aurais plus à vous assister. »

J'échange avec elle un sourire en coin devant sa tête rieuse. Julie esquisse une moue boudeuse. Devant son comportement enfantin, je cède :

« Si tu tiens tant à ta glace, va donc l'acheter ! »

Elle étouffe un petit cri de victoire et se hâte de ranger les sacs de courses pour faire bonne impression. Je l'observe faire, amusée. Malgré nos fréquentes disputes, je suis très proche de mes deux amies. Même la plus grosse des engueulades ne nous séparera qu'une poignée d'heures avant qu'on se réconcilie.