Deep Void Mining Co

II - High-tide city

     Les moteurs du sous-marin ronronnaient déjà depuis quelques heures sous la surveillance bienveillante de Double T quand l'engin arriva à proximité de High-tide city. Le capitaine Makizov qui surveillait une carte holographique depuis son siège, non loin derrière celui de la pilote Romie Fost, alluma l'interphone intégré à son bureau.

"-Double T, surface s'il te plaît, demanda-t-il. Sam, communications de cérémonie dès qu'on fait surface. Romie, caméras, merci." ajouta-t-il. Un instant plus tard, l'eau des ballasts était chassée à grand bruit par de l'air comprimé. Romie fit basculer un interrupteur à levier sur le tableau de bord et de vastes écrans holographiques apparurent, recouvrant une grande partie de la verrière du cockpit. Chaque écran donnait la vue d'une caméra située sur une partie différente de la coque externe du sous-marin. La vue la plus intéressante à cet instant était donnée par une caméra surplombant le dos du submersible et pointée vers l'avant. On y voyait se distinguer sur l'horizon les tours, les cheminées et les armatures complexes d'une immense ville-usine. Sam agita la main en direction du capitaine qui hocha la tête. Une voix morne d'homme raisonna dans la pièce.

"-Capitainerie de High-tide city, indicatif, durée estimée du séjour et intentions s'il vous plaît.

-Ici le S-303, nous arrivons pour prendre des ordres et réparer une voie d'eau mineure. Environ une journée de séjour je suppose, répondit Makizov

-Réparations donc." murmura l'homme pour lui-même avant de siffler d'étonnement.

"-Eh ben, je savais pas qu'on en était déjà au trois cent troisième sous-marin ! La Deep Space Mining Company met vraiment les moyens sur ce trou du cul du monde de planète, pas vrai ? Bon, on a de la place terminal H baie n°10, c'est une baie de réparation. Bienvenue sur Delvia-1A les nouveaux !"

     La communication coupa. Immédiatement, Sam se mit à pianoter sur son poste et en quelques secondes, un point lumineux apparut sur la carte holographique du capitaine et un itinéraire se traça dans la vision de la pilote. Le terminal H n'était pas le plus proche et le submersible dû faire un long contournement afin de le rejoindre. L'équipage en profita pour se rassembler dans le cockpit et contempler la ville sans un mot. Tous avaient entendu parler de l'immense cité-radeau, mais rien ne pouvait préparer au spectacle qu'elle offrait. D'immenses structures complexes d'acier s'élevaient sur des dizaines de mètres de haut. Elles formaient un enchevêtrement de cheminées d'usine et de convoyeurs qui hérissaient le toit et les flancs de lourds bâtiments d'acier sali comme un monstre percé de mille lances. Le cœur industriel battant de l'île était bordé d'un côté par un spatioport de vaste taille. Le manque d'infrastructures d'accueil, qui s'opposait à une exagération d'infrastructures de stockage et de distribution indiquait clairement que l'économie locale était axée sur la marchandise avant tout. Le reste de High-tide city se partageait entre un quartier résidentiel et l'immense port qui occupait la quasi-totalité de la côte.

L'attention de l'équipage se reporta sur le port. Les terminaux étaient répartis en dix baies. Toutes les baies frappées du nombre 10 semblaient équipées de grues soulevant les submersibles hors de l'eau, et de ces baies, celles qui étaient occupées présentaient toujours une petite grappe d'hommes s'affairant sur les engins. Manifestement, les baies n°10 étaient dédiées aux réparations là où les neuf premières servaient à décharger le minerai.

     Romie dirigea le S-303 jusqu'à la baie qui lui avait été désignée et s'avança prudemment dedans, avant de s'arrêter en plein centre. Un fracas métallique sur le dos du submersible indiqua à l'équipage qu'une passerelle venait d'être déployée. La pilote bondit immédiatement de son siège et se rua sur l'échelle située derrière le cockpit en s'écriant :

"-Première dehors ! Je veux de l'air frais !"

Le capitaine, connaissant la personnalité exubérante de Romuliana, décida de ne pas sanctionner cet irrespect flagrant de la chaîne de commandement. De plus, il est vrai qu'avec les semaines de voyage, tout le monde avait sérieusement besoin de respirer un air qui sentait autre chose que le renfermé et le métal. Il s'engagea donc derrière la pilote sur l'échelle, le reste de l'équipage à sa suite. Il ne fallut qu'un instant à l'écoutille pour céder à la force physique impressionnante et l'excitement plus grand peut-être encore de la jeune femme qui s'extirpa rapidement du navire. Lorsque le capitaine sortit à son tour, il remarqua la présence d'un homme sur la passerelle qui regardait la pilote s'étirer un peu plus loin vers l'avant de la coque. Celle-ci toussa et se retourna vers l'homme furieuse :