Coeurs naufragés

Chapitre 2

Point de vue Jeremy

12H14, dans l'avion siège 29F, Paris

La chance, notion à laquelle je n'ai jamais cru. Comment peut-on se définir chanceux ? Pourquoi certains seraient favorisés et d'autres non ? La chance n'existe pas cependant, je dois bien avouer, qu'aujourd'hui, j'y croirai presque. En me levant ce matin, je n'aurai jamais pensé que ce vol allait être aussi agréable. Quand je la regarde, elle et son corps de rêve, je ne peux que sourire. J'ai un canon à côté de moi, et cela, pendant 12 heures. Je la regarde plus en détails quand elle détourne le regard vers le hublot. Elle est belle, fine. Je sais très bien que toutes les filles envient son corps et la jalousent. Les garçons, eux, envient ma place. Certains mecs la reluquent déjà. Je l'avais déjà remarqué dans la salle d'embarquement et je crois bien qu'elle aussi. Elle n'arrêtait pas de me fixer. Je me demande bien pourquoi. Il y a beaucoup de garçons plus musclés, plus beaux que moi dans cet avion. Si je devais choisir un mot pour me définir, je crois que je choisirai simplicité. Je suis très... Simple, mais le fait est qu'elle m'a regardé et je ne peux me sentir que flatté.

« Tu as déjà été en Malaisie ? »

Elle m'a posé la question en fixant mon t-shirt. Je baisse les yeux, craignant de m'être taché en mangeant, mais rien. Il est tout ce qu'il y a de plus banal, rouge avec des écriteaux blancs.

« Oui, une fois. Et toi ? »

Elle a de nouveau planté son regard dans le mien. Elle a de beaux yeux, ils sont verts avec des reflets bleus, ils me font penser à ces lagons que l'on ne voit que dans les films. Je crois que ce qui me plaît le plus chez elle, ce sont ses lèvres. Elles sont belles, bien dessinées et assez fine.

« Je suis déjà venu deux fois. Mes parents viennent souvent ici. »

Elle cherche quelque chose, sort un magazine de son sac, le même qu'elle lisait dans la salle d'embarquement. Elle commence à le feuilleter puis elle s'arrête brusquement.

« Il y a une raison spécifique à ta venue en Malaisie ? »

Je suis surpris par sa question, mais je garde mon sang-froid.

« Je fais partie d'un groupe, ils organisent une mission.

-Une mission ? »

Je hoche la tête, ça a l'air de l'intriguer et ça me fait sourire. Je me demande ce qu'elle est en train de penser à ce moment. Peut-être que je suis un espion. J'ai envie de rire, mais je me retiens.

« Oui, je fais partie d'un groupe d'écologiste et cette année ma mission est de sauver les tortues à Kuantan. »

Elle paraît troublée, un instant. Ses sourcils se rejoignent, formant un v.

« Kuantan, tu dis ?

-Oui pourquoi ?

-J'y vais aussi.

-Pourquoi tu y vas toi ? »

Je vois mal ce genre de fille, les mains dans le sable pour essayer de dénicher des nids de tortues.

« Pour la mer, le soleil, la plage. »

J'en étais sur, mais je suis tout de même déçu. Je déteste ce genre de fille et pourtant je fais mine de m'y intéresser.

« Et tu vas visiter ?

-Je vais faire une excursion à Kuala Lumpur.

-C'est vrai ? »

Elle a hoché la tête, peut être que je me suis trompé finalement.

« J'aime bien Kuala Lumpur ! Il y a tellement de magasins !

-Je ne sais pas, je n'ai jamais été.

-Surtout dans les tours Petronas ! Je pourrais passer tout mon temps là-bas ! Il y a centaines de magasins de luxe ! »

Suite à ça, je la regarde plus en détail. Elle, ses habits griffés, sa montre de grande marque, son sac qui doit coûter une fortune. Je suis sûr que sur elle, il y a de quoi aider mon groupe d'écologiste pendant plus d'un an. Je secoue la tête, prends mon casque et m'enferme dans mon monde rien qu'à moi. Où cette fille n'existe pas, où je n'ai pas flashé sur une matérialiste comme elle. Je la vois ruminer et déboutonner un autre bouton de sa chemise. J'ai envie de rire, même si elle l'ôte complétement ça ne changera pas l'opinion que j'ai d'elle. Une fille à son papa, gâtée pourrie, qui ne s'intéresse qu'aux fêtes, aux mecs et aux copines. Je ne suis pas du genre à juger les gens facilement mais là c'en est trop. Jamais une personne comme elle ne m'intéressera. Je me le suis juré à moi-même. Elle est en train d'essayer de me parler, mais je n'entends pas ayant mon casque sur les oreilles. Je le retire donc et écoute ce qu'elle me dit.

« Je disais, tu veux quelque chose à boire ?

-Non merci, c'est bon. »

J'ai baissé les yeux sur le collier qu'elle triturait. Un cœur en argent.

« C'est ton petit copain qui t'a offert ça ? »

Je me rends compte, trop tard, que je viens de lui faire entendre que je m'intéresse à elle. Elle saute donc sur l'occasion pour me répondre :

« Oh non ! Je n'ai pas de copain. C'est ma mère qui me l'a offert. Et toi ?

-De quoi et moi ? »

Je sais très bien ce qu'elle veut dire par là, mais j'ai envie de faire comme si je n'avais pas compris. Qui sait ? Elle abandonnera peut-être.

« Tu as une copine ? »

Elle ne se démonte pas, elle me regarde avec un sourire étincelant.

« Non. »

Je suis froid, parfaitement ce qu'il faut pour qu'elle comprenne que je n'ai pas envie de parler de ça avec elle. Je vois qu'elle est mal à l'aise, mais je m'en fiche. Je n'ai qu'une envie : dormir.

« Tu pars souvent en voyage ?

-Si par voyage, tu entends me livrer aux douceurs du farniente,  non. »

Ses yeux me lancent des éclairs et je dois dire que c'est le but recherché.

« Et en Mission ? »

Elle a bien insisté sur le terme ce qui m'a fait sourire.

« Oui, tous les ans.

-La dernière, c'était quoi ? »

Je la regarde dans les yeux et lui dis :

« Ça t'intéresse sincèrement ? »

Elle hoche la tête en souriant.

« Ton petit jeu ne marche pas avec moi. »

Je vois son sourire s'atténuer, son visage se décompose.

« Et au passage, tu peux reboutonner ton chemisier ça prend pas non plus. »

J'ai été direct, mais je crois que c'est la meilleure chose à faire avec elle. Ce genre de fille se croit irrésistible. Je jette tout de même  un œil à son décolleté pour voir si mes propos sont fondés. Ils ne le  sont pas.