Chapitre 1

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 Assise à la table de la cuisine, mon bol de soupe encore fumant me réchauffant les mains je laisse couler une larme. Je prends une tranche de pain et plante dessus 16 petites bougies. Leurs flammes vacillent doucement, et dans un souffle je les éteins.

-Joyeux anniversaire Annah, dis-je tout bas.

Aujourd'hui c'est le 1 décembre 1885, je fêtes mes 16 ans. Contrairement à ce que l'on pourrait croire ce n'est pas pour moi un jour heureux. Mon père est décédé la veille, la maladie l'a emporté. Heureusement pour lui ce fut bref. On pense souvent que les plus grands malheurs n'arrivent qu'aux autres mais c'est faux. Personnes n'est protégé, nous sommes tous soumis aux caprices de la vie. C'est ce que je me répète depuis hier pour me convaincre que tout cela n'est pas grave, que c'est juste la vie. Mon père me répétait  souvent qu'il fallait s'accrocher, que parfois la vie est une garce mais qu'au lieu de lui tourner le dos il fallait lui mettre une bonne gifle et l'affronter la tête haute. Je crois que le décès de ma mère l'a touché plus que ce qu'il n'en laissait paraitre. Parfois je l'entendais pleurer devant sa photo et c'est dans ces moments là que je me disais que sans moi ils auraient pu vivre ensemble, heureux. Ma mère est morte en accouchant, laissant mon père avec une petite fille sur les bras et la charge de son éducation. Depuis ce jour nous avons tout fait à deux et mon père ma toujours aidée . La pauvreté ne nous permettant pas d'avoir une grande maison nous partagions toutes les pièces. Vous devez surement vous apitoyer sur ma vie, penser que j'ai été triste et malheureuse. C'est vrai, il y a parfois eu des périodes difficiles mais j'étais avec mon père qui m'aimait; on formait un bon duo ensemble, et puis, qu'aurais-je fais avec tout plein d'argent?

Avril 1886, 4 mois sont passés depuis mon anniversaire et le décès de mon père. La vie seule est rude et mon salaire à la fabrique de chocolat ne me suffit plus. J'attrape ma plume et commence à rédiger le court texte qui me permettra peut-être de mener une vie plus confortable. Des affiches de recrutement de domestique sont placardées dans la ville. Je veux tenter ma chance. Gagner de l'argent autrement qu'à la fabrique de biscuit où l'on a des courbatures aux bras et des cloques sur les mains à force de faire des emballages et de coller des étiquettes marquant fièrement: " rien n'est meilleur qu'un Petit LU, oh si ! deux petits LU ". Mais surtout cette maison  me rappelle trop l'absence de mon père et ma solitude. J'ai besoin de partir, de quitter ma petite ville trop calme. J'ai besoin de bouger, de découvrir la capitale. Je veux faire les choses en grand! Paris! Rien que de prononcer ce nom, j'en ai des frissons de plaisir.

Ma lettre terminée je m'en vais la déposer à l'association responsable de la gestion des domestiques. Si ma candidature est retenue ils me recommanderont à une famille chez qui j'irai travailler et habiter. Sur le chemin du retours je m'imagine, moi, Annah à Paris en belle robe, coincée dans mon corset prêt à exploser; buvant le thé avec des grandes personnes qui parlent de mode et compliment leurs bijoux tellement gros et brillants qu'ils vous empêchent de bouger, et vous aveuglent si vous avez le malheur de poser vos yeux dessus.

-Oh l'angoisse me dis-je en me moquant, ce ne serait tellement pas moi que se serait drôle d'essayer.

J'opterais plus pour un chocolat chaud dans une bibliothèque, je sais qu'ils ont des grandes bibliothèques a Paris. Ou une promenade dans le bois de Boulogne, accompagnée des chants d'oiseux réchauffés par les rayons de soleil filtrants à travers les arbres.

Paris, cette ville est tellement différent de la petite banlieue où j'habite. Je commencerai presque à avoir peur, peur de peut être quitter ma ville natale pour m'aventurer dans la capitale.

one last month with youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant