Chapitre 10

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Hi! J'espère que vous allez bien?
Encore merci du fond du coeur pour vos commentaires, merci pour votre soutien et votre amour. Je suis si heureuse de vivre les aventures de nos petites planètes, j'espère que ce chapitre vous plaira !

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CHAPITRE 10

(Tomorrow Land_Leon Else)

Harry.

Ils pleurent. Ils ne font que pleurer. Ces pleurs d'enfants, de bébés. C'est insupportable. Ils résonnent en boucle dans ma tête, me donnant envie de m'étouffer dans les draps pour les faire cesser. Mais quels draps? Il n'y a jamais eu de draps. Alors je veux m'étouffer contre mes bras. Je veux appuyer si fort contre mon nez jusqu'à en avoir mal au visage. Je veux appuyer mes mains sur mes oreilles jusqu'à n'entendre que mes pensées. Même si je ne sais pas si c'est mieux. Parce que peut-être que moi aussi je pleure de l'intérieur.

Ils continuent de pleurer, de crier. Je me retourne, sentant la sueur couler dans ma nuque et me persuadant que c'est ça aussi qui coule le long de mes joues. Je cherche la main de Gwendoline à côté de moi mais ne la trouve pas. Je continue de la chercher, désespéré, mais je ne sens que le vide. J'ouvre alors les yeux pour regarder sa place habituelle à côté de moi. Mais elle n'est pas là.

« Gwendoline? »

C'est le silence qui me répond.

Le silence?

Je réalise soudainement que les bébés ont cessés de pleurer. Et je devrais en être soulagé. Pourtant c'est tout le contraire. Parce que je sais ce que ça veut dire, lorsqu'on ne les entend plus. Ça ne veut pas dire que ça va mieux. Parce que ça n'ira jamais mieux. Pas ici. Pas pour nous.

Je déglutis difficilement et tourne violemment la tête en voyant Esha entrer dans le dortoir. Elle soupire tristement et m'annonce, comme pratiquement chaque matin:

« Je suis désolée Harry mais il faut aller creuser. »

Je hoche simplement la tête en me relevant par automatisme. A partir de ce moment-là, tout n'est qu'automatisme. Du moins c'est ce que j'aime me faire croire. Que l'être humain peut se persuader que les choses l'atteignent moins qu'il ne le faudrait. Qu'il peut choisir d'éteindre son âme le temps de quelques minutes, de quelques heures voir de plusieurs jours, mois ou années. Qu'il peut seulement passer le relais à son corps comme si tout ce qui était à l'intérieur était en veille, ignorant ce qu'il se passe à l'extérieur.

Je traverse les couloirs de l'orphelinat, enchaînant ces gestes comme une danse qu'on apprend par coeur. Pourtant je n'ai jamais dansé. Je traverse la cuisine sans chercher quelque chose à manger. Parce que je sais d'avance qu'il n'y a rien et que le creux dans mon estomac ne sera jamais réellement comblé. Je pousse la porte qui mène à l'arrière de l'orphelinat, enfouissant mon visage dans le creux de mon bras pour ne pas sentir l'odeur des cadavres. Je sais qu'ils m'attendent, ces bébés qui pleuraient encore de faim, de soif, de douleur, cette nuit.

J'attends quelques secondes avant de relever mes yeux vers le tas qui attend que je les enterre, étouffant leurs pleurs pour l'éternité.

Sauf que, dans ce tas, je reconnais une chevelure blonde.

Je sens mon corps se figer et les battements de mon coeur s'arrêter. Mon regard est fixé sur ce corps entassé avec les autres. Je regarde sa peau qui a toujours été pâle mais jamais aussi terne. Je regarde ses jambes tordues et cachées par les autres corps d'enfants. Je remonte mon regard le long de son corps maigre jusqu'à tomber sur son visage creuser. Sa bouche est entrouverte, ses lèvres presque grises. Elle ne porte plus son cache oeil, laissant à découvert la profonde cicatrice qui a tiraillée sa peau à la perte de son oeil. L'autre oeil est ouvert, mais complètement vide. Ce bleu foncé sans étincelles, sans lueurs. Comme tous les regards éteints que j'ai pu croiser depuis ma naissance. Mais ce n'est pas n'importe quel regard. C'est le sien. Et ça ne peut pas arriver. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas pensable.

NINE || TOME 1 [L.S] ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant