Je dois concevoir que les entraînements que j'ai pu subir durant ma jeunesse ne m'auront été d'aucune utilité. J'ai l'impression de ne plus ressentir mes extrémités, pourtant cachées sous la couverture de survie. Cette expédition est pire que ce à quoi je m'attendais.
Nous sommes à présent amarrés le long d'un cargo monstrueux, et les hommes d'Éros sont en train d'accrocher les deux longues échelles cordées qui nous ont été lancées depuis le pont supérieur. Je le regarde, stupéfaite, et laisse tomber la bâche qui m'enveloppait.
— C'est une blague ?! m'époumoné-je, sentant tous mes membres trembler sous la charge d'adrénaline mêlée au désarroi.
Autant dire que je suis pétrifiée. Et ce vent frisquet n'arrange en rien ma crispation. Je fais face à mon guide touristique, ennemi et potentiellement futur fiancé ; si je ne le massacre pas avant. Notre petite embarcation tangue, ce qui m'envoie directement contre son corps. Ses bras, dont je sens les biceps épouser mes pommettes, se referment autour de moi. J'en perds mes moyens, et le remercie secrètement d'être là pour m'empêcher de passer par-dessus bord. Cette cage de protection qu'il forme m'apaise instantanément. Son souffle glisse près de ma nuque, le long de ma joue, puis dans le creux de mon oreille, de sorte que je ne perde rien de ce qu'il s'apprête à me dire.
— Guapa, tu grimpes devant ou après moi, je te laisse le choix, mais décide-toi avant qu'on se fasse interpeller par les garde-côtes.
Maintenant que des projecteurs sont déployés dans notre direction depuis le navire, je peux voir les traits tendus de son visage. Ses lèvres ont perdu de leur couleur. Ses joues et ses cheveux sont mouillés par la succession de vagues que nous avons prises. Il récupère son paquetage et jette mon sac à son homme de main, qui entame cette montée vertigineuse le premier.
— Tu es prête, Belleza ?
Je secoue négativement la tête. Pas vraiment, à vrai dire.
La situation me donne autant envie de rire que de pleurer. Je suis dans un état de nervosité tel que me jeter à l'eau et rentrer à la nage me paraît être une option plus plaisante que de me suspendre à une échelle de plusieurs dizaines de mètres.
— Je ne suis pas James Bond, râlé-je de mauvaise foi, ce qui lui arrache l'ombre d'un sourire.
— Non, mais tu te débrouilles très bien. Tu t'es montrée courageuse jusqu'à présent, ne me lâche pas maintenant. Il faut que nous sortions de là.
Son timbre grave me réconforte un peu. Nous ne sommes pas en sécurité ici, il a raison.
— Très bien.
Je me saisis de sa main et le laisse me guider hors de l'embarcation. Mes genoux sont douloureux de ne pas avoir pu bouger durant ce court trajet. Ou alors c'est dû à la crispation, mais je ne suis pas certaine de parvenir à grimper cette flopée de morceaux de cordes et de bâtons.
— Je serai derrière toi, me prévient-il doucement, alors que mon pied touche la seconde barre pour que je me hisse sur la suivante et ainsi de suite.
Je maudis Totò, mes parents, et la Terre entière de m'avoir donné la vie dans une famille mafieuse. Je m'arrête, à bout de souffle et de force, alors qu'il me reste un bon quart à gravir. La vue d'ici est impressionnante. Une sensation de vertige me saisit. L'océan est agité et rien que de penser aux bestioles marines qui se cachent là-dessous, j'en ai des frissons. Mes bras tremblent d'épuisement. J'avance mon visage vers la coque du navire par peur de tomber en arrière. Si je bascule, c'est foutu. C'est une première pour moi. Il ne m'était jamais venu à l'esprit de demander un cours d'escalade à Gaetano.
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Tequila, Sangrita & Mafioso
RomanceLes erreurs ne se regrettent pas, elles s'assument... Oui, bon. Ça, c'était avant de savoir que le bellâtre caliente à qui je suis actuellement en train de rouler la galoche du siècle n'est autre qu'un mafioso. Foutue croisière. Foutue conscience. M...