19 - Canapé

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Tout les matins, avant de me lever, à la seconde même où j'émerge du sommeil, une pensée fuse dans mon esprit.

Ce matin, il en vient une rare : J'ai extrêmement bien dormi.

C'est peut-être vrai, mais ça, c'est avant que j'ouvre les yeux et qu'un mal de crâne m'assaille.  Je grogne et roule sur le côté, cherchant à tâtons un oreiller pour m'enfouir en-dessous. Je le rabats sur ma tête. Il sent bon le neuf et le café. J'aime bien. 

Bientôt, je vais devoir me lever, parler avec Cinq et affronter une insurmontable et inexplicable gênance, surmonter une gueule de bois et prendre une douche.

Ce programme épuisant de la journée suffit pour me rendormir.


Quand je me réveille pour la seconde fois, c'est pour de bon, enfin j'espère.

Je me redresse en baillant. L'autre côté du lit est froid, le soleil est levé depuis longtemps et filtre à travers les rideaux qui sont tirés sur la baie vitrée. La chambre est vraiment belle. Sur le mur opposé, il y a un grand dressing et deux portes. En face, un petit bureau, une chaise et un miroir accroché au mur. J'entends des notes de musique provenant de l'extérieur.

Au pied du lit, il y a un peignoir blanc que j'enfile. Ma robe et mes chaussures ne sont plus là. Mes pieds nus s'enfoncent dans le tapis. J'ouvre la première porte. Cinq n'a pas fait les choses à moitié. Elle qui donne sur un immense salon. Le sol est en parquet ciré, le plafond immense sert d'hôte à un lustre magnifique, et comme dans la chambre, une baie vitrée recouvre un mur. 

Il y a d'autres choses évidemment, mais ce qui retient mon attention, c'est le piano à queue derrière lequel est assis Cinq, au fond du salon. Je reste quelques secondes silencieuse, à savourer la mélodie et à le regarder aussi concentré. Puis je lance :

- Je ne savais pas que tu savais jouer du piano.

Il s'arrête et se retourne, pivotant sur son tabouret, étonné.

- Non, je ne te l'avais jamais dit.

- C'est magnifique.

Il penche la tête modestement, mais j'aurais juré qu'il a rougi.

- C'est rien. Comment tu as dormi ? 

J'opine.

- Extrêmement bien. Merci de m'avoir permise de rester ici.

- Je ne t'y ais pas autorisée ; je t'aurais retenue de force si j'avais dû. La vue t'a plu ? J'ai préféré tirer les rideaux pour ne pas te déranger à cause du soleil.

- C'est trop beau. On se croirait à New York.

- C'est le but. (il regarde sa montre) Il est presque midi. Ca te dit d'aller manger quelque chose ? La cuisine n'est pas encore prête, alors on peut aller en ville si tu veux.

- Euh... je ne veux pas te déranger. Je comptais rentrer chez moi pour déjeuner, je balbutie, un peu embarrassée. 

Cinq baisse les yeux. 

Il a l'air... déçu.

- Ah, bon. Eh bien alors, reste juste une dizaine de minutes, le temps que ta robe termine de sécher. 

- Tu as lavé ma robe ?

- Bah, oui. Elle était par terre toute froissée, et tu as renversé du vin dessus hier. Que voulais-tu que j'en fasse ?

- Je... je ne sais pas.

Je crois que je n'ai jamais été aussi déstabilisée de toute ma vie. Jamais je n'ai vécu d'heures aussi parfaites. Cinq couche avec moi, me force à rester dormir dans son appartement de rêve, lave ma robe, veut m'emmener déjeuner et me demande comment j'ai dormi. 

𝘽𝙪𝙧𝙣 - Cinq HargreevesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant