Tendresse et Chocolat

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Il y avait ce regard. Ce regard chaud. Ce regard où se reflète le couché de soleil. Ce regard qui ramène aux soirs d'été, lorsque la chaleur câline le corps et que l'esprit s'évapore.

Les flocons tombent doucettement sur mes cheveux et ma peau, et c'est en regardant ce ciel immaculé que je repense à elle. Que je repense à la couleur de ses yeux. A la douceur de sa peau. Au goût de ses lèvres. « Mon tendre au chocolat » disait-elle quand elle m'appelait.
« - Pourquoi tu m'appelles tout le temps comme ça ? Lui avais-je demandé.
- Parce que tu as la couleur du chocolat ! » M'avait-elle répondu d'un air joyeux, presque enfantin.
J'ai gloussé, amusé de la voix qu'elle venait de prendre.
« - Et pourquoi tendre alors ? »
Elle posa sa tête sur mon épaule, respira un coup en profitant de l'air chaud qui baignait nos âmes, et me répondit d'une voix chuchotante :
« - Parce que tu es le seul qui l'est avec moi. »

Une larme coula le long de ma joue quand j'y repense aujourd'hui. Le temps me semble si lointain, et en même temps je ressens encore son souffle chaud sur mes lèvres. Ses cheveux d'ébène caressant mon dos. Ses doigts parcourant ma peau. Sa voix berçant mon cerveau.
C'est aux souvenirs que je dois ma tristesse, mais c'est au bonheur qu'ils m'ont donné que je dois mon sourire. Lorsque cette flamme s'est éteint, j'y ai vu mon avenir partir avec.
Depuis, seul le blanc continue de peindre les murs de mon esprit. Quand le soleil apparaît, c'est à elle que ma tête pense. Quand je vois la neige, c'est à son corps raide que mon corps se tend.
C'est à ce drap blanc déposé sur elle que mes mains tremblent. C'est à cet air paisible et vide que mes yeux me piquent.
Et alors tout se mélange. Le feu, l'eau. Le froid, le chaud. L'été, l'hiver. La vie, la mort. Elle, et moi. Tout et rien. Son sourire, ma peine. De ses bras j'ai pleuré, de mes bras elle s'est envolée. De son rire je l'ai vu partir, et c'est sans une larme qu'elle me serra une dernière fois dans ses bras, chuchotant tout bas : « Je t'aime ».
« Je t'aime ». Deux mots si simples qui veulent dire « je tiens à toi », « tu comptes pour moi », « je te fais confiance », « mon cœur t'appartient ».
Et c'est quand ces mots sont dit sur la dernière note, une ronde, durée de quatre temps, qui paraissent durer une éternité ; comme si la lueur ne partirait que légèrement, et non pas complètement ; que l'on réalise seulement leur valeur. Car quand ceux-ci sont dits tout au long d'une vie, on se dit souvent « Je ne lui ai pas dit aujourd'hui, je lui dirai demain ». Alors qu'aujourd'hui pourrait être la dernière fois que vous vous voyiez.

Je marche lentement dans la rue. Le froid m'apaise, et me permet de me sentir plus endormi. Plus anesthésié. Comme si la neige tuait la douleur en utilisant la douleur. La morsure de celui-ci me tue à petit feu mais j'aime la sensation qu'elle me donne. Je me sens moins seul face à ma peine. Comme si la nature m'embrassait, me prenait dans ses bras pour me réconforter. Comme si, elle, elle était là, à me regarder de ses yeux d'ambres.
Quand l'odeur du froid se dissipait, c'était son parfum printanier que j'humais à longueur de journée. Et je m'en délecté comme si c'est la première fois que je le sentais. Comme si c'était un parfum unique que je ne retrouverais plus jamais, et que je devais conserver tout près de moi, dont je devais retenir chaque parcelle de senteur pour ne jamais l'oublier. Car l'oubli est parfois la plus cruelle des punitions. Si elle pense vous protéger, elle vous enferme au contraire dans le domaine de l'inconnu, qui est un domaine bien dangereux à explorer seul et endeuillé. Lorsque l'inconnu devient habitude, la connaissance peine à se frayer un chemin à travers les neurones. Lorsque ce chemin sinueux perd son sens, il est alors quasi impossible de faire marche arrière, et c'est alors que l'on perd toute notion de temps.

Tout comme moi, qui à l'instant même réalisait que la nuit était déjà tombée, et que les étoiles prenaient place dans le ciel nocturne. Seules quelques unes faisaient resplendir leur clarté, les autres étant cachées par les nuages neigeux. Sont-elles plus belles ? Plus importantes ? Plus lumineuses ? Plus puissantes ? Pourquoi sont-elles les prédominantes en ce ciel de janvier ?
Beaucoup de questions auxquelles je n'ai pas les réponses, mais mon nez froid me donne celle dont actuellement besoin : je dois rentrer.
Je marche donc machinalement, et c'est aux portes de ma maison que je vois ce sublime spectacle.
Une jonquille. Petite jonquille blanche des neiges qui apparaît, forte et vaillante à travers la brumeuse. Petite fleur indépendante qui me redonne le sourire. Petite fleur dansante. Petite fleur..
« - Petite fleur ! Je l'appelais, lorsqu'elle courait vers moi.
- Oui ! » Criait-elle, en allongeant le « i » en fin de mot.
C'est en relevant la tête que ses cheveux au vent, la neige parcourant son dos, je la vois assise sur le rebord de la fenêtre, ma petite fleur brune, aux yeux chauds. Aux yeux reflétant la couleur des couchés de soleil. Aux yeux, vivants.
Tendresse et chocolat se joignent à la tendresse du printemps, qui annonce les bonnes nouvelles, la chaleur d'été, et fait fuir les nuages menaçant de l'hiver givrant.

La musique de tes mots Où les histoires vivent. Découvrez maintenant