Chapitre 1

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Adeline 

Il est tout juste six heures du matin lorsque mon avion atterrit à Santa Monica. À peine ai-je passé le portique avec mes valises, que je reconnais mon nom, grossièrement écrit sur une pancarte en carton. Elle est entourée de doigts manucurés, ceux d'une grande et belle blonde à la peau claire, environ quarante-cinq ans. J'imagine que la femme en question me reconnait, puisqu'elle se met à agiter son bras comme une cruche dans les airs. Le problème ? Eh bien, c'est que moi, je ne sais pas du tout qui est cette nana. Même si, au final, je crois que j'ai ma petite idée. Sans rire, je n'ai pas vu mon père depuis, quoi... six ans ? Et malgré ça, il a le culot d'envoyer sa secrétaire pour m'accueillir. Cette dernière ne me voit pas lever les yeux au ciel derrière mes énormes lunettes noires, lorsque je me poste enfin devant elle.

— Adeline ! s'exclame-t-elle en me dévoilant sa dentition parfaite.

J'arbore un sourire forcé, donc elle s'empresse d'ajouter :

— Enchantée, moi c'est Jane, la, mh...

Elle hésite, ne sachant visiblement pas de quelle manière se présenter. Je plisse les paupières, perplexe.

— La secrétaire de ton père.

Bingo.

— Il avait une audience très importante qu'il ne pouvait décliner.

À cette excuse bidon, ma main balaye donc l'air avec désinvolture.

— Ne vous fatiguez pas, Jane, ajouté-je en serrant le manche de ma valise. Le coup du patron dépassé... je connais déjà.

Sans attendre, je lui passe devant, puis active le pas vers la sortie. N'entendant pas ses talons aiguilles marteler le sol dans mon dos, je me retourne. Elle est restée plantée là, un peu mal à l'aise. J'arbore un sourire, puis l'encourage à m'emboîter le pas d'un bref signe de tête. Bien que mon père soit un sale con, la pauvre n'en est en rien responsable. Et puis, elle n'a pas l'air méchante pour un sou. Alors qu'elle se dresse à mes côtés, je comprends que Jane réfléchit. Forcément, j'en déduis qu'elle cherche un sujet de conversation. Je me lance la première, histoire de la mettre plus à l'aise avec moi :

— Depuis quand travaillez-vous pour James ?

Un air étonné se placarde sur son doux visage doré. Je présume que le fait de m'entendre appeler mon propre père par son prénom la rend perplexe, mais, pour autant, elle ne rebondit pas à ce sujet.

— Depuis environ cinq ans, me confie-t-elle, alors que nous passons les doubles portes de l'aéroport.

Hochant la tête, je la suis jusqu'au parking, où nous attend le chauffeur privé de ce dernier. Je la regarde en biais. Ses joues rougissent, je me demande pourquoi. James doit lui plaire. Heureux de me revoir après tout ce temps, Larry s'interrompt lors de l'ouverture du coffre, puis s'approche pour me serrer de toutes ses forces dans ses bras. Il est donc le chauffeur de mon père, ou celui qui, lorsque j'étais encore enfant, venait me chercher à l'école, chaque jour de la semaine. Souvent, on allait manger une glace, en attendant que mes parents se souviennent de l'existence de leur fille. Il n'a pas tant changé. Du moins, presque. Quelques poils blancs ont fait leur apparition sur son menton. Dans mon souvenir, il portait une barbe brune, bien plus garnie.

— Je suis ravie de te revoir, Din ! m'avoue-t-il avec sincérité.

Je souris à ses mots. À vrai dire, il est comme une sorte de deuxième père à mes yeux. Si ce n'est pas plutôt le premier.

— Moi aussi, dis-je en lui rendant son étreinte. Tu n'as pas changé !

Il recule en me prenant par les épaules, comme s'il tenait à contempler la femme que je suis devenue. Son visage s'illumine, un voile de joie traverse ses iris d'un bleu éclatant quand il me demande :

DAMAGED BUTTERFLY (disponible sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant