la boom

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19h, Elle rentre dans le collège, pour la dernière fois, pour le bal, qui est d'ailleurs plus une boom, de fin d'année.

Elle a essayé de se faire belle. Elle ne s'est pas maquillée mais Elle a fait quelque chose de ses cheveux totalement indomptables. Elle s'est même cassée la tête à fabriquer des barrettes papillons en origami, avec une feuille sur laquelle Elle avait recopié son passage préféré d'un livre. Sa robe n'est pas la plus belle, mais ce n'est pas une horreur. Elle n'avait pas non plus 36 choix de vêtements.

Elle voit dans la salle ce prof d'histoire qu'Elle a eu l'année dernière et qu'Elle avait adoré. Il y a aussi cet élève, Nathan, qui fait latin avec Elle depuis 3 ans, pour qui Elle a eu un coup de foudre amical, mais qui ne La remarque jamais. Il faut dire qu'Elle l'a rencontré en 5eme, et qu'Elle était conne à ce moment là. Difficile de changer cette image qu'il doit avoir d'Elle, qui est en plus d'un naturel un peu timide quand il s'agit d'aller vers les autres.

Mais ce soir, Elle se l'est promis, Elle se lâche. Elle leur montre qu'ils avaient tort de la mettre dans cette case de bonne élève coincée. Ce soir, Elle ose tout. Ce soir, Elle est belle.

Il est 19h15, Elle a coché 22h en heure de fin sur le coupon du bal. 2 heures et 45 minutes pour se lâcher.

La salle se remplit peu à peu, la musique en arrière-plan n'est pas trop forte. Ses amies sont là, tout va bien.

À 19h 20, Elle commence déjà à en avoir marre d'être debout. Ses sandales ne sont pas aussi confortables que des baskets. Le bal commence à 19h30, Elle décide de profiter que tout le monde ne soit pas là pour s'asseoir par terre contre un mur. Ça a toujours été sa position préférée, que ce soit dans la cour, dans sa chambre ou n'importe où, tant qu'Elle a un livre. Sauf que là, Elle n'en a pas. Deux de ses amis s'asseyent à côté d'Elle. Promis, quand ça commence, Elle se lève.

19h30, Elle en a marre. C'est tellement difficile de se détacher de ce personnage insociable qu'Elle joue depuis 4 ans, et même plus.

Elle essaye : Elle se lève, fait quelques pas. Son ami du CVC (conseil de vie collégienne) prend le micro pour leur souhaiter une bonne soirée.

La musique augmente. Elle sent son corps vibrer. Elle pourrait se laisser aller mais Elle n'y arrive pas. Des assiettes de chips sont sorties et des professeurs proposent des boissons.
Elle se rapproche et prend un jus d'orange en souriant faussement à cette super prof d'espagnol qu'Elle a eu cette année.

Elle se rapproche de ses amis, commence déjà à râler sur la musique trop forte et incompréhensible. En son for intérieur, Elle se maudit. Elle s'était dit qu'elle profitait, qu'Elle arrêtait de faire sa rabat-joie. Mais Elle n'y arrive pas. Elle n'arrive pas à se sortir de ça. Elle n'arrive pas à se lâcher assez pour danser, bouger, oublier cette musique qui lui brise les tympans.

Elle se rapproche du buffet/bar, attrape une chips et un verre de jus d'orange. Elle regarde les autres s'amuser.

La musique est trop forte, ça lui donne mal aux oreilles.
Elle s'assoit par terre, attend que ça passe.

Au bout d'une demi heure, les adultes ouvrent une porte donnant accès à une partie de la cour, entourée de barrières. Elle sort.
Moins de bruit et du frais, ça fait du bien.

Plus que deux heures. Pourquoi est-ce qu'Elle n'y arrive pas ? C'est la dernière fois qu'Elle voit la plupart de ces gens. Pourquoi est-ce qu'Elle ne se lâche pas ?

Elle désespère. Ses amis l'entourent. "Ça va ?" Ils voient bien qu'Elle a du mal avec l'ambiance. Une professeure se rapproche. "Ça va ? Qu'est ce qu'il y a ?"

"Ça va, ça va, tout va bien" répète-Elle.

"Tu veux que l'on appelle tes parents ?" Propose une adulte.

La même réponse sort de sa bouche. "Ça va, ça va, tout va bien" Elle s'en est presque convaincue. "Profitez"

Elle ne veut pas gâcher leur soirée, Elle est déjà assez rabat joie pour Elle même, pas besoin de le faire subir aux autres.

Pour leur montrer que tout va bien, Elle se lève et traverse la salle pour atteindre le buffet.

Une part de pizza, un verre de limonade et Elle s'assoie de nouveau contre un mur quand ses amies ne la regardent plus.

Elle ferme les yeux. Imagine que tu es seule, au calme. Mieux, imagine que tu es avec quelqu'un qui t'aime et que tu aimes. Il ou elle passe son bras sur yes épaules. Soudain, Elle ouvre de nouveau les yeux. Sa prof d'espagnol se tient acroupie devant elle et a posé les mains sur Ses genoux, qu'Elle entourait de Ses bras.

Un grand vide se fait dans Son coeur : elle n'a pas d'amoureu.x.se. Elle répond que Si si, tout va bien à la prof. Celle ci lui dit qu'Elle peut appeler ses parents si besoin et Elle hoche la tête. "Non non, ça va"

L'adulte se lève et retourne au bar servir des verres.

Elle se replonge dans ses pensées, dont Elle est soudainement tirée quand un ballon de baudruche touchant sa cuisse explose.

Sa prof d'espagnol lui fait signe de se rapprocher du bar, Elle sera moins dans la foule. Elle optempère et vient s'asseoir à côté de la table.

Pourquoi je ne suis pas capable de profiter ? Pourquoi je n'aime pas cela ? Pourquoi je ne suis pas comme les autres ?

Elle retient ses larmes, regarde le plafond.

Juste pour un soir, pourquoi est-ce que je n'arrive pas à danser sur une musique qui ne veut rien dire ?

C'est trop. Des billes d'eau dégringolent sur ses joues. Elle les laisse couler.

"Va dans le couloir, ce sera plus calme" lui suggère sa prof d'espagnol.

Elle se lève. Elle sort. Ses amies la rejoignent. Elle pleure. Elle ne sait pas pourquoi exactement, mais Elle pleure.

Ses amies lui proposent de rentrer. Elle refuse d'abord, Elle ne veut pas gâcher leur soirée. Puis Elle dit qu'Elle va téléphoner à ses parents, qu'Elle rentrera chez Elle toute seule, sa maison étant à deux pas.

"Restez, vous vous amusez donc n'écourtez pas votre soirée pour moi. On se rejoint à 22 heures chez moi, pour que ton beau-père nous récupère." Dit-Elle en s'adressant à l'une de ses amies, chez laquelle elles font une soirée pyjama le soir même.

Finalement, une de ses amies a tenu à l'accompagner, précisant que, de toute façon, le seul avantage à cette fête était le buffet.

Elle a appelé sa mère avec le portable de sa prof d'espagnol, n'ayant pas pris le sien, et est sortie avec son amie et les quelques élèves ayant coché 21 heures comme heure de sortie.

Quelques heures plus tard, dans le lit dans la chambre de l'amie chez laquelle se déroulait la soirée pijama, Elle pleura, non pas car la fête était nulle, mais parce que la dernière image d'Elle qu'auront sa prof d'espagnol, le prof d'histoire et l'élève du latin, si toutefois il l'avait vue, était une fille qui chiale car Elle est à une boom.

Soirée de merde !

ElleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant