Je vais tout vous expliquer, mais faut me laisser parler. Jusqu’au bout.
Sans trop m’interrompre, d’accord ? Sinon, je perds le fil, je mélange tout. Il
parait que j’ai des problèmes de concentration…
J’imagine que la première chose que vous voulez savoir, c’est comment j’ai
fait pour sortir d’ici ?
D’abord, votre internat, c’est pas Guantánamo1
. Juste une vieille bicoque
en pierres pleine de courants d’air, des fenêtres en veux-tu en voilà. Question
sécurité, on a vu mieux.
Je sais, ce n’est pas censé être une prison. Qu’on est ici pour prendre
conscience de nos droits et de nos devoirs, pour devenir des citoyens
responsables, blablabla… Je me souviens de votre discours dans le grand
hall. Sans vouloir vous vexer, j’ai failli mourir d’ennui. En tout cas, on entre
et on sort d’ici comme dans un moulin, mieux vaut que vous le sachiez. Il
suffit d’attendre que les surveillants commencent leur partie de belote et
c’est porte ouverte à toutes les fenêtres. D’autant que le vendredi soir, la
plupart des élèves sont rentrés chez eux. Il ne reste que les laissés pour
compte, les punis cagibis, et ceux qui préfèrent encore rester ici plutôt que
de devoir se coltiner leur famille.
En ce qui me concerne, je coche à peu près toutes les cases. Depuis que
mes parents m’ont amenée ici, après ce qui s’est passé dans mon ancienne
école, ils n’ont pas l’air pressés de me récupérer.
Moi ? En colère ? Contre eux ? Sérieux ? C’est plutôt eux qui sont en colère
contre moi. Réfléchissez deux secondes.
Bref, pour sortir d’ici. Ultra simple. Prenez note, ça peut servir.
La première chose, évidemment, c’est de faire tout comme d’habitude pour
éviter que les surveillants se doutent de quoi que ce soit. Les devoirs, la
douche du soir, brossage de dents, pyjama et au dodo. Quand Viviane est
venue inspecter les chambres, elle nous a trouvées, Noémie et moi, en train
de lire sagement au lit. Je ne vous cache pas que la première fois que je l’ai
vue, Noémie, je me suis posé des questions. La meuf est tellement insipide,
inodore, incolore que je me suis demandé comment elle avait atterri ici. C’est
quand elle m’a raconté son petit problème de cleptomanie que j’ai pigé. Je ne
juge pas, on a tous nos défaut.Vous, par exemple, c’est quoi ? Le chocolat ? Vous vous relevez la nuit
pour taper dans le frigo ?
Oh, mais soyez pas susceptible…
Bref, Viviane est passée nous souhaiter une bonne nuit, puis elle est partie
retrouver Guillaume, Laurence et Fifi pour leur partie de cartes. Vous les
connaissez, les quatre, une fois qu’ils sont lancés, plus moyen de les arrêter.
Ils jouent jusqu’à pas d’heure.
Noémie s’est endormie comme une masse un peu avant 21h. Et elle s’est
mise à ronfler, un truc de malade. J’aurais pas pu rêver mieux. J’ai planqué
mes fringues et mon portable dans la housse de mon oreiller et je me suis
pointée dans le local des surveillants. Comme prévu, ils étaient à fond dans
leur partie.
Je leur ai expliqué que Noémie faisait un boucan pas possible, qu’elle
ronflait comme un cochon et que je n’arrivais pas à dormir.
— Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? s’est agacée Viviane.
Ça se voyait que je les dérangeais.
— Je pourrais aller dormir dans la chambre de Clara et Djamila, ai-je
proposé.
Viviane a hésité.
— Il y a toutes leurs affaires personnelles, ce ne serait pas très réglo.
— Hé ho, me suis-je offusquée, c’est pas moi la clepto !
— Personne n’est clepto, m’a corrigée Guillaume. Ici, on ne colle pas
d’étiquette aux gens, tu te rappelles ?
J’ai hoché la tête, mais franchement, si voler des fringues dans des
boutiques de luxe, c’est pas de la cleptomanie, je ne sais pas ce qu’il leur faut.
— Je suis crevée, ai-je insisté, je veux juste dormir.
Et j’ai bâillé à m’en décrocher les mâchoires. J’avais l’air assez crédible
dans le genre épuisé. Viviane a échangé un instant avec les autres et elle a
fini par accepter que je passe la nuit dans la chambre du fond, comme prévu.
Pourquoi cette chambre-là ?
Clara et Djamila n’arrêtent pas de se plaindre des conteneurs à poubelles
qui se trouvent sous leur fenêtre. Il parait que dès qu’il fait chaud, l’odeur
est atroce. Disons que moi, ça m’a donné des idées…
Une fois dans la place, j’ai attendu que Viviane fasse sa dernière ronde puis
je me suis fringuée et j’ai sauté par la fenêtre pour atterrir tranquillement sur
les conteneurs. Tout simplement. Vous voyez, sortir, ça a été le plus facile.
C’est après que ça s’est compliqué. Il fallait que je rejoigne la ville.
Pourquoi ? Il le fallait, c’est tout.
J’ai d’abord pensé prendre le train, mais il était déjà tard. En plus, le trajet
dure des plombes parce qu’il s’arrête dans toutes les petites gares paumées.
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Roman d'amourJe m'ennuyais ducoup j ai décidé d écrire la suite de la tâche d écriture du ce1d français