Chapitre 1

38 4 6
                                    

Le 5 mars 2053 :
"Maxime Bello,17 ans, porté disparu le 3 mars 2053 à Clermont-Ferrand, les habitants s'interrogent".
Nous étions le 5 mars, j'étais devant un café bien chaud dont les douces effluves m'enivraient et je m'étais levée le plus tôt possible pour me procurer mon quotidien préféré, le Parisien. Ma page favorite restait les faits divers, si bien que je parcourais les autres pages sans grand intérêt, je les survolais, ce qui explique que je ne me sois pas attardée sur cette phrase. Enfin bref, je me devais, aujourd'hui, de mener à bien l'enquête qui avait été soumise à mon petit commissariat du Kremlin-Bicêtre. Une vieille dame venu déposé plainte contre son petit fils, qui l'aurait, je cite "violentée de manière violente". Non, excusez-moi, je suis mal réveillée : "traitée de manière violente". Oui bon en gros, violentée. J'avais raison. Bon, assez parlé. Il est quand même 8h. 
Je saisis mon écusson et l'épinglai sur ma chemise d'un bleu roi majestueux. Je glissai mes pistolets dans les poches prévues à cet effet, passai ma main dans mes cheveux et jetai un œil à mon reflet. Par-fait.
Je poussai la porte du commissariat quelques minutes plus tard.
-Commissaire Mirail ! Commissaire Mirail !
-Salut Bob !
Robert, Bob pour les amis, était mon assistant. Charmant, la quarantaine, un peu enrobé, le crâne dégarni, il était très doué pour déceler des indices, les plus subtils soient-ils.
-L'accusé vient d'arriver. Tu veux que je te l'installe dans ton bureau ? me demanda-t-il.
-Fais comme tu l'entends, mais accorde moi deux minutes, s'il te plait, je vais dire bonjour aux autres.
-Pas de problème, je t'attends la.
Je me dirigeai vers la salle de réunion et ouvrit la porte assez violemment. C'était comme ma marque de fabrique. Mon équipe préférée, installée là, discutait tranquillement. La bonne élève du groupe, le lieutenant Lopez, était assise sur la droite et s'empressait de fignoler un dossier sûrement ennuyant à mourir. La meilleure pour les recensements et les histoires de familles sans queue ni tête et qui me salua d'un aimable :
-Bonjour cheffe !
-Salut Anne, répondis-je. Ta gastro, ça va mieux ?
-Parfaitement, cheffe. Je viens de boucler le dossier sur la mère, le cousin éloigné par alliance et...
-Plus tard, s'il te plait.
-Hello, commissaire, dirent d'une même voix ceux que l'on surnommait maintenant Dupond et Dupont.
Nos deux agents de sécurité bien-aimés. Toujours collés ensemble. J'avais pensé à siamois également pour le surnom mais les autres n'ont pas validé.
-Salut les gars. Des plaintes depuis hier ?
-Rien, dit Dupond.
-Quand même une dame, son chat a disparu, rétorqua Dupont.
-Il est sûrement caché dans un buisson, ou... dans un arbre. Dites-lui d'appeler quelqu'un de sa famille,soupirai-je. Ce n'est pas de notre ressort.
-Moi j'ai quelque chose, dit une voix derrière moi.
Je sursautai.
-Du calme ! Ce n'est que moi, cheffe !
-Hugo, tu m'as fait une de ces peurs !
Hugo Laurier. 28 ans. Le visage bien fait. Les muscles saillants. Une coiffure au gel. L'homme idéal, me direz vous. Oui, mais surtout celui que je détestais dans cette équipe. Le frimeur, le râleur, l'égocentrique, le macho. Mais surtout, tout lui réussissait.
-Un homme est venu me voir ce matin, Gérard qu'il s'appelle, reprit-il. Bon, alors déjà, il m'a demandé un autographe, il m'a longuement répété qu'il m'admirait et...
-Abrège, le coupai-je, agacée.
-Relax, cheffe ! Où en étais-je ? L'autographe, l'admiration et puis... et puis... les compliments bien sûr, oui...
-Abrège ! Il faut te le dire en quelle langue, débile ?!
Oui, c'était bien la voix de la dernière membre de mon équipe d'élite. Brutale avec tout le monde, tout sauf sensible, et redoutable pour les histoires de trafic de drogue ou les interrogatoires. 
-Tiens, Doria ! m'exclamai-je.
-Bonjour cheffe.
-Je vais avoir besoin de toi, on a une petite séance d'interrogatoire dans trois minutes avec Bob. Hugo, si ton histoire traite d'un sujet sérieux qui exclut tout chat, soumets la au lieutenant Lopez. Anne, tu nous boucles ce dossier vite fait puis vous filez tous les deux pour la journée au parc des Hautes Bruyères. On a perdu une montre ou un objet de très grande valeur et le préfet m'a ordonné d'envoyer des renforts. Ce ne sera pas long. Dupond et Dupont, vous allez en centre ville ! Il y a une sorte de brocante de grande ampleur, ils ont besoin de gardiens. Allez ouste, tout le monde dehors, et bonne journée !
Doria me suivit à travers les grands couloirs jusqu'à la salle d'interrogatoire.
-T'as entendu la disparition trop bizarre à la radio ? me demanda-t-elle. Le truc à Clermont-Ferrand...
-Mmmh... Vaguement.
Je ne m'en souvenais absolument pas, mais loin de moi l'idée de contredire Doria. Nous entrâmes dans la fameuse salle. Bob était déjà là, en face de l'accusé. Nous prîmes place et Doria prit la parole :
- Nom. Prénom.  ge. Profession. Adresse. énuméra-t-elle sèchement.
-J'ai déjà dit à l'autre là ! protesta le jeune homme.
-Tu réponds et tu parles bien de mon collègue , s'il te plait, s'énerva Doria.
-Who ça va, faut se calmer ma p'tite dame.
-Boucle-la !
-Ok, ok... J'm'appelle Yann Bim, j'ai 19 ans, j'passe mon temps à chercher un job et j'habite au 18 rue Charles de Gaulles. Voilà.
Pendant quelques secondes,nous n'entendîmes plus que le grattement du crayon de Doria sur son carnet.
-Bien, conclut-elle. Vas-y Bob.
-Et bien, dit mon assistant, vous n'êtes pas sans savoir que votre grand-mère est venue porter plainte contre vous, pour, je cite "traitement de manière violente". Je vous demande votre version des faits.
-J'aime bien votre cravate, monsieur, tenta d'esquiver Yann.
Voyant le regard noir de Doria, il commença à raconter :
-Hier, ma copine est venue dîner chez moi. Après le repas, je l'ai raccompagnée chez elle en scooter et je me suis arrêté chez ma grand-mère parce que je reviens de Bretagne et que je lui avais promis de lui ramener du tartare d'algues. Elle en raffole. Je suis arrivé devant chez elle, j'ai sonné. Elle a ouvert, un doigt sur la bouche et un fusil à la main. Elle m'a expliqué que ma mère (morte il y a deux ans) était apparue devant elle. Mais pire, elle avait les yeux bleus. Vous savez il y en a presque plus maintenant. Ma grand -mère a commencé à crier, à dire que c'était un signe, que j'allais me réveiller demain avec les mêmes yeux, que c'était une menace. Elle délirait complètement. Alors, oui, je l'ai giflé, une seule fois, et puis pas bien fort. Elle s'est tue immédiatement. Et elle m'a remercié après avoir repris ses esprits de l'avoir arrêté. On a mangé quelques tartines de tartare d'algues puis je suis rentré. C'est tout. Easy.
-Ca ne correspond pas du tout aux propos de votre grand-mère, dis-je.Je vous lis les notes qu'ont rassemblés mes collègues. "Yann m'a frappé au visage, puis il m'a plaqué contre le mur, les bras derrière le dos. Il a murmuré à mon oreille : file moi 500 euros ou tes bras,c'est la dernière fois que tu les utilises. Alors, moi, je tiens à mes bras voyez vous. Alors je lui ai donné son argent. Et puis à partir de là, je n'ai plus aucun souvenir. Je me souviens de la main de Yann près de mon crâne. Et c'est le noir. Je me suis réveillée le lendemain matin, fraîche comme un gardon."
-Complètement, folle, je vous dis !
-Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?
-Ouaip. Hier quand je suis entré, elle m'a dit bonjour CEDRIC, c'est le nom de mon père.
-Il est normal, à l'âge de votre grand-mère, de mélanger les prénoms, les âges etc, intervint Bob. Sa mémoire flanche un petit peu, voilà tout. Mais de là à raconter que son petit fils l'a violenté à la police, c'est tout autre chose. Ça pourrait être une paranoïa...disons, passagère. Enfin bref, votre argument n'est nullement valable.
-Elle est fo...
-Donc, si vous êtes si sûr de vous, monsieur, le coupai-je. Vous ne verrez absolument aucun inconvénient au fait que l'on fouille votre appartement à la recherche d'une somme d'argent suspecte ?
-Aucun !
-Bien. Doria, Bob, je suis désolée, j'avais promis à mon oncle de l'aider pour son déménagement, j'ai donc posé mon après-midi. Vous procéderez à la fouille. N'hésitez pas à m'appeler si vous avez du nouveau. Monsieur.
Il serra ma main tendue et je sortis de la pièce.

Iris Où les histoires vivent. Découvrez maintenant