Revenant

17

11 ans plus tôt.

Je laisse tomber le fusain sur la feuille Canson en soupirant, si elle ne s'arrête pas de bouger j'arriverai jamais à terminer.

- C'est finit ? De ses jambes frêles elle se précipite vers moi, un grand sourire scotché sur les lèvres.

- Non, je grogne l'air blasé.

- Mais c'est long....

Elle se laisse tomber sur la serviette en faisant la moue, je n'arrive jamais en lui en vouloir bien longtemps.

- Ça fais même pas une heure, tu devrai apprendre à être plus patiente.

- Mais il fait trop chaud ! Et si on faisait un jeu plutôt ? Le dernier à l'eau est une poule mouillée !

Je n'ai même le temps de réaliser quoique ce soit, sa course effrénée balaye le sable et d'un mouvement brusque je balance mon dessin.

- Ne va pas trop loin !

Mais c'est trop tard, sa silhouette disparaît sous les vagues et je me précipite à mon tour, n'ayant pas dit mon dernier mot. L'eau fouette mes mollets, je m'allonge à plan ventre sur ma planche et rame jusqu'à elle.

- Putain je t'ai déjà dis de ne pas aller à l'eau sans moi, je grogne en arrivant à sa hauteur.

- Tu as dis un gros mot !

- Je fais ce que je veux.

Naturellement elle monte à son tour sur la planche, je l'aide à se hisser en la tirant par le bras et une fois installée nous restons un instant assis l'un en face de l'autre.

- Là ! Son doigt pointe une vague au loin.

Comme d'habitude, je me couche sur le ventre tandis qu'elle reste au bout de la planche pour ne pas me gêner. Mes bras s'activent, je nous rapproche le plus possible et une fois que j'estime être assez près je m'accroupis.

- Dépêche toi.

Ses jambes entourent ma taille et ses bras s'enroulent autour de mon cou, je pousse sur mes jambes pour me redresser en ne quittant pas des yeux la vague qui arrive au loin.

- C'est partit !

Elle gigote dans tous les sens, je plaque mes mains sous ses cuisses pour la maintenir et éviter qu'on tombe à l'eau.

J'imagine qu'on m'acclame, que tous les regards sont braqués sur moi et après avoir évalué la distance je pivote mon bassin sur la gauche. La planche suit le mouvement, nous entrons dans le tube et je reste le regard rivé droit devant moi.

Nous atteignons la surface la plus raide de la vague et prenons un peu plus de vitesse avant d'atteindre l'épaule. L'eau est beaucoup plus molle, la planche vacille et je contracte mes cuisses au maximum pour essayer de garder l'équilibre.

Mais nos corps s'immergent brutalement sous l'eau, je raffermis ma prise sur les cuisses de Mia pour ne pas la perdre et remonte le plus vite possible à la surface.