Chapitre 2

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Minho se tenait devant son évier rempli d'eau, bras nu et rougi barré par les chiffres mal écrits qu'il avait tenté de faire disparaître. Marqueur indélébile. Bien sûr, l'univers ne lui aurait pas accordé le moindre répit. Ce n'était pas comme si ça aurait changé quoi que ce soit, pensa-t-il amèrement. Il connaissait déjà la série numérique par cœur.

Sa cabine était aussi étroite que toutes les autres, meubles vissés au sol et fenêtre à l'horizon bleu tanguant paresseusement. Il avait déjà passé un an ici, à regarder le plafond blanc en priant pour trouver le sommeil pendant les quelques heures de repos qu'il s'accordait par jour. Le pourcentage de ce temps qu'il avait dédié à penser à ce garçon du collège avec qui il avait volontairement coupé contact pour passer à autre chose ? Embarrassant. Pire, dérangeant.

Jisung était apparu devant lui, comme un spectre venant le hanter, manifestation de ses regrets et de son obsession pour celui qui était maintenant un jeune photographe au sourire toujours aussi aveuglant. Il avait cru mourir, plongé pendant une affreuse seconde dans une spirale de délire où il se demandait sincèrement s'il était en train d'halluciner. Malgré toutes les fois où il avait prétendu avoir oublié son visage, il l'avait reconnu immédiatement, ses joues rondes, ses yeux curieux, ses cheveux blonds en bataille et oh non, il avait oublié ses lèvres et elles s'étaient immédiatement brûlées dans ses rétines. Une décennie entière à éviter la moindre photo, partie en poussière.

Minho soupira longuement, appuyant la paume de ses mains mouillées sur ses yeux. Il devait reprendre ses esprits, et décider d'une marche à suivre, de préférence avant l'heure du repas. Naturellement, son instinct lui disait de fuir et tout faire pour éviter de le croiser jusqu'à la fin de son voyage. Il pouvait trouver les informations sur lui et sa grand-mère, et déterminer à partir de quelle escale il pourrait à nouveau respirer en-dehors des zones réservées au personnel. Accepter sa proposition, et les rejoindre pour la soirée, était du suicide.

Quand il était parti poursuivre ses études ailleurs, il avait pensé que ne plus parler en face au garçon qu'il aimait désespérément depuis des années lui permettrait de tourner la page. Ça n'avait pas marché, tournant son obsession en une addiction à son téléphone dans l'espoir de voir un message arriver avec son nom. Devant cet échec, il s'était posé des restrictions, lui envoyant moins de messages, répondant plus lentement. Rapidement, Jisung s'était accordé à son rythme, et le pic de dopamine causé par son nom sur son écran verrouillé était devenu douloureux, désagréable, un rappel qu'il n'était pas aussi important qu'il le voudrait pour lui et qu'il ne le serait jamais. Il rechutait parfois, s'accordant des conversations nocturnes qui lui donnaient l'illusion de pouvoir retrouver ce qu'ils avaient ou plus, et comme une punition pour son comportement, il renforçait ses restrictions le matin suivant.

Il savait qu'il aurait dû passer à autre chose. C'était impossible qu'une attraction si longue, si désespérée, soit saine. Après quelques années, toujours le regard fixé sur leur conversation morte depuis des mois, il avait compris qu'il devait plus être amoureux de l'idée de Jisung que de lui-même. Après tout, la personne qu'il avait connu avait changé, comme lui, et ils ne parlaient pas assez pour qu'il sache à quel point. Sentant quelque chose se déchirer en lui, il s'était décidé à ne plus engager avec lui, d'arrêter de se faire du mal. Il avait tenté de rencontrer d'autres personnes, se forçant à trouver ce qui pouvait rendre les autres hommes attirants, ou à défaut si leur contact physique pouvait lui changer les idées, mais ils n'étaient pas Jisung, et tout lui donnait ce sentiment vaseux au fond de son ventre d'être en train de faire une terrible erreur. Pendant des mois, il hésitait à lui envoyer un message pour son anniversaire, et cédait toujours. Pour son propre anniversaire, c'était toujours son message qu'il attendait le plus. Il lui écrivait des lettres. Les déchirait.

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