𝐁𝐑𝐎𝐊𝐄𝐍 𝐒𝐓𝐀𝐑𝐒

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐓𝐄𝐑 𝐈𝐕

Neyla Milazzo
4:13 AM ~ Dayton, Ohio

Une douce lueur lunaire parvient à traverser le rideau suspendu à ma fenêtre entrouverte, donnant un air spectral à cette pièce pourtant faite pour être chaleureuse. Une légère brise balaie délicatement le tissu blanc, tandis que je me contente de fixer videment cette lumière envoûtante qui émane du ciel.

Ça doit bien faire quelques heures désormais que je ne fais que me retourner dans mon lit, pareillement à ce surplus de pensées qui se bousculent dans ma tête.

Mes yeux brûlant sont soudainement soulagés par mes doigts froids qui viennent les frotter sans aucune once de douceur, alors que je me redresse lentement et difficilement.

Mon corps glacé quitte le lit défait, me donnant aussitôt le tournis. Je me rattrape comme je peux aux murs, mon autre main massant ma tempe, comme si ce geste pouvait soulager cet immense mal de crâne sans doute dû aux médicaments que j'ai avalé la veille.

J'avance à pas fébriles vers la fenêtre, qui laisse entrer un petit vent frais, et m'assois sur son rebord. Mes genoux collés à ma poitrine, mes bras entourant ceux-ci dans une vaine tentative de me réchauffer.

Mes yeux cependant, ne cessent de fixer le ciel parsemé d'étoiles. J'observe cette immensité sombre comme chaque nuit, mon regard explorant les moindres détails de cette sentinelle solitaire. Entourée d'étoiles mais malgré tout, seule.

Je tousse légèrement avant de me relever et d'enfiler le peu de vêtements qui me passent sous la main. Ma tête tourne toujours, continuellement martyrisée par cette douleur lancinante.

Mes mains s'emparent de mes écouteurs filaires et de mon mp3, avant que je ne finisse dans le couloir sans vie qui traverse l'étage de notre maison à moitié vide.

Je descends rapidement les escaliers puis sors dans la rue tout aussi inoccupée à cette heure-ci. Une étrange ambiance flotte ici, alors que mes pieds me mènent je ne sais où.

Toutes les lumières sont éteintes dans chacune des maisons qui parsèment ce quartier tranquille et riche de Dayton, un simple vent venant balayer les premières feuilles d'automne jonchant le sol ajoute une infime touche de vie.

La lune scintille seule dans ce ciel nuageux dont elle est l'impératrice, parfois accompagnée par quelques astres à la lueur plus étiolée. J'admire l'étendue tachetée tout en marchant sans but dans la ruelle.

Des questions sans réponses résonnent sans cesse dans mon esprit, laissant un sillon de lettres volatiles qui s'entrechoquent dans une cacophonie étourdissante, étouffant tout autre bruit.

Mes pas finissent quand bien même par me mener jusqu'à un petit parc de jeu légèrement abîmé par le passage du temps. Un tas de souvenirs m'assaille alors, et je m'y plonge, me berçant encore dans une illusion doucereuse.

Des rires et des cris de joie résonnent dans ma tête alors que j'observe les balançoires inoccupées. La sensation de voler, suspendue à ces chaînes, tandis que nos parents nous balançaient, moi et mon frère.. tout ça me revient en mémoire, soudainement.

Mon coeur se serre. La belle époque.

Mais désormais, papa n'est plus là. Mon grand frère non plus. Et la maman joyeuse que j'ai toujours connue a disparu avec eux également, pareillement aux feuilles mortes qui virevoltent sur le goudron du quartier. Elles disparaissent, emportées par cette brise nocturne, qui refroidit ma peau simplement recouverte par un vieux gilet en laine.

J'avance. J'avance encore, ne m'attardant pas plus à ce décor qui ne me donne que des frissons.

C'est pourquoi je branche mes écouteurs et lance la musique, avec le volume au maximum. J'essaye de couvrir comme je peux ce bruit constant qui tapisse le fond de mon esprit.