AOÛT (Ou ce qu'il en reste...)

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Lundi 25 août


18 h. Plus qu'une semaine de vacances et ce sera terminé.

Je comprends pas les adultes qui arrivent encore à nous sortir que « deux mois de vacances, c'est tellement long, tu finis par t'ennuyer ! ». C'est à se demander si l'âge leur a fait oublier ce que c'était, l'école.

Cette dernière année de collège, c'est vraiment l'année de l'angoisse. Soi-disant l'année où toute ta vie se joue. Genre, si t'es pas capable de savoir ce que tu veux faire plus tard, tu finiras à nettoyer les WC des gens. Mon tonton Sofiane est plombier et ça l'empêche pas d'être un des adultes les plus cools que je connaisse. Bon, okay, parfois il tire un peu sur le ringard, à vouloir être trop cool, mais honnêtement, il est mieux que la plupart de ceux que j'ai rencontrés jusque-là. C'est le petit frère de Maman Leïla, aucune idée de l'âge qu'il peut avoir — j'ai autre chose à faire que de retenir des chiffres si grands.

Toujours est-il que, déjà à la fin de l'année dernière, les profs ont commencé à nous bassiner avec nos choix futurs. « Pensez-y durant l'été ». Ils s'imaginent qu'on a rien d'autre à faire, peut-être ?

18 h 20. J'ai aucune idée de ce que je veux faire plus tard. Enfin, si, en fait je sais, sauf que personne ne me prend au sérieux. Et certainement pas Madame Carambar, notre prof de français, qui lève les yeux au ciel dès que je lui en parle.

C'est pas son vrai nom, Carambar. On l'appelle comme ça, car, chaque vendredi, elle nous file un Carambar chacun. Ça donne l'impression qu'on a 4 ans, mais, en vrai, c'est plutôt cool. Déjà parce que c'est bon, et ensuite parce que ça nous fait sauter une partie du cours. Ce qui est nettement moins cool, c'est la partie où chacun doit raconter la blague qui va avec. Sérieux, les types qui les écrivent ont autant d'humour que ceux qui pensent que se farcir un cahier de vacances peut être « ludique ».

À chaque fois, c'est l'angoisse. La gênance extrême. Cela dit, c'est parfois tellement le malaise qu'on finit par en rire. Je me souviens d'une fois où Manon avait dû quitter la salle en trombe, car elle s'était fait pipi dessus. La mère Carambar avait cru que c'était à cause des blagues... Je pense qu'elle a au moins 80 ans. Maman Emma me dit que c'est impossible, qu'à 80 ans on travaille plus depuis longtemps, blablabla. Je suis sûre qu'elle est plus proche de la mort que de la retraite. Enfin, à mon avis...

18 h 30. La première fois que j'ai fait mention de mes projets, mes deux mamans se sont jeté un regard, et ont juste répondu « Très bien, ma chérie ». Je venais de leur dire que je m'étais résolue à écouter la petite voix en moi qui me poussait à vouloir devenir une Rockstar. Je suis faite pour ça. OKAY, ça fait seulement un an que j'ai acheté ma première guitare, mais ça a été une révélation. D'ici quelques années, c'est sûr que j'aurai enfin ce qu'il faut.

J'avais enchaîné avec ma volonté de rentrer dans le cercle des 27.

— Le quoi ? avait demandé maman Emma.

— Le cercle des 27, enfin ! j'avais insisté, hallucinée qu'elle ne percute pas.

— Toutes les Rockstars décédées à 27 ans, avait expliqué Maman Leïla. Hendrix, Coben, Joplin et j'en passe.

L'avantage d'avoir deux mères, c'est qu'il y en a toujours une pour rattraper l'autre.

— Ah oui ! Et donc ? Maman Emma m'avait demandé.

— Et ben, je veux faire partie du cercle.

— Très bien. Tu reprends du fromage ?

Bien sûr que non, que j'avais pas eu envie de reprendre du fromage ! Pas parce que je n'aime pas ça, mais parce que j'étais complètement outrée.

Le Journal Intime d'une Rockstar en DevenirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant