Chapitre 13

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Timothée

J'aurais aimé dormir, parce qu'il était tard, mais je n'y arrivais pas. Revoir Nils dans un lit d'hôpital m'avait rappelé de mauvais souvenirs. Il avait encore failli mourir. Quand apprendrait-il à prendre soin de lui, bon sang ?! J'étais en colère, même si je savais qu'il ne l'avait pas fait exprès. Nous avions parlé de la quantité de comprimés qu'il prenait durant le week-end, et de son envie de se faire suivre par un spécialiste, quand il aurait un peu plus de temps. Il avait conscience du problème. Sauf que, dans la salle d'attente des urgences, j'avais eu le temps de faire des recherches sur l'arrêt de la codéine, et s'il stoppait les prises trop brutalement, ça le rendrait malade. En plus, je ne savais pas à quel point le produit agissait sur son humeur. Ceux qui le prenaient comme une drogue parlaient d'un effet euphorisant. On ne pouvait pas dire que Nils était d'un naturel joyeux, mais peut-être que ça l'aidait à tenir. Je craignais les effets d'un arrêt, brutal ou non. Que deviendrait mon frère, s'il n'avait plus ça pour le soutenir ? J'avais peur pour lui, peur qu'il sombre. Il était déjà tellement vulnérable ! Tellement fragile ! Et je me sentais impuissant à l'aider.

Je ne pouvais pas le rafistoler. Je ne pouvais pas lui rendre sa vie d'avant.

Et après ce que Nils m'avait demandé ce soir... Il avait eu le temps de cogiter, et comme les infirmières avaient trouvé utile que je reste auprès de lui pour m'assurer qu'il reste éveillé en attendant que son état se stabilise, nous avions beaucoup parlé. Il m'avait demandé de lui rapporter son fauteuil roulant. Il était sous une bâche, dans son garage. Je ne savais même pas qu'il en possédait un. Je pensais que celui qu'il utilisait durant sa convalescence était une location, qu'il l'avait rendu à la fin de sa rééducation. En réalité, il était à lui. Nils m'avait révélé que ses médecins lui avait dit qu'il ne pourrait plus faire de longs trajets à pieds, ou de longues stations debout, mais qu'il avait repoussé le moment d'en arriver là. Il n'avait fallu que deux ans, pour qu'il se rende à l'évidence : ils avaient raison.

Je n'avais pas su quoi dire, parce que ça représentait un gros sacrifice pour lui. Se tenir debout, se déplacer avec le moins d'aide possible, avait été un véritable combat pour lui. Il avait tout donné pour ça. Et aujourd'hui, il renonçait à son autonomie. Pour ne plus risquer une autre overdose, pour ne plus faire paniquer les personnes qui l'aimaient, il devait prendre moins de médicaments, et pour cela, il devait diminuer le niveau de la douleur. Il ne voyait qu'une solution : ne plus se tenir debout, ne plus marcher. En un mot : se ménager. C'était aussi une solution pour conserver le capital de ses articulations, ne pas les user davantage, et repousser d'éventuelles interventions chirurgicales.

J'admirais son courage.

Je lui avais promis de faire l'aller-retour afin de lui ramener son fauteuil. J'avais de la peine pour lui, et regrettais de ne pas pouvoir rester pour l'accompagner les premiers jours. Je plaignais les autres, parce que je le connaissais, mon frangin, il serait grognon, le temps d'accepter la situation. Le temps de s'adapter, aussi, à son environnement. La vie était bien plus compliquée en fauteuil roulant. Le choix qu'il faisait, en toute connaissance de cause, n'était pas facile.

Mon courageux petit-frère.

Je me tournai dans le lit, qui portait son odeur. J'aurais pu rester près de lui toute la nuit, mais une fois hors de danger, le personnel m'avait prié de quitter les lieux. Nils me ferait signe quand je pourrais venir le chercher. Il avait son téléphone et ses papiers. Léo avait même pensé à donner sa canne aux pompiers et j'avais vérifié, elle était suspendue au pied de son lit. Tout irait bien pour Nils, même si je n'étais pas là pour veiller sur lui.

***

Le lendemain matin. Je prenais mon café avec les membres du collectif, qui avaient tous la tête de ceux qui ont passé une mauvaise nuit. Quand mon portable vibra sur la table, les tasses et les tartines s'immobilisèrent.

Tu voleras à nouveauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant