Le livre des Démons d'Hempetua

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Le soir où Elio est venu chez moi, nous avons discuté de longues heures, de la secte, mais aussi de nos vies, de Julien, nous avons ri aux éclats, beaucoup pleuré... Le lendemain matin, notre état était déplorable dû à nos deux heures de sommeil. Elio m'a demandé de fixer quelques règles lors de notre déposition auprès de la police. Lui comme moi étions désormais certains de ce que nous devions raconter, le carnet enfin prêt, le Livre des Démons d'Hempetua toujours dans sa cachette jusqu'à nouvel ordre. Pour moi, l'avis de mon meilleur ami était primordial, Elio a rédigé quelques phrases à connaître sur le bout des doigts pour se souvenir de certains détails et en omettre d'autres.

Je n'ai plus eu de nouvelles de Danaé, ni même de son supérieur. Je crois qu'il vaut mieux, je ne sais pas si elle s'est échappée ou si elle est coincée ici. Je ne sais pas si je veux vraiment connaître la réponse, dans tous les cas, une part de moi sera toujours en colère contre elle. Loin de moi ou juste derrière les barreaux, Danaé ne changera pas, quoi qu'elle dise, du sang de sorcière coule dans ses veines.

*

Samedi matin, alors que je m'apprête à réunir mes affaires pour me rendre au poste de police avec Elio, celui-ci toque à la porte de mon appartement. Il n'est pas censé me rendre visite normalement, je lui ouvre la porte et je le découvre sur le palier, un énorme sac à dos sur les épaules. Je lui prépare une tasse de café en plus avant de lui demander pourquoi il porte un accoutrement d'aventurier pour se rendre au commissariat de la ville.

- On retourne au temple.

Je déglutis. Elio, tout comme Danaé, m'avaient sciemment interdit de retourner au temple pour y continuer mes recherches. Là, il me demande délibérément de prendre un risque. Si on décide d'y retourner aujourd'hui, je ne mettrai pas ma menace à exécution et nous pourrons perdre de la crédibilité auprès des forces de l'ordre.

- Tu es sérieux ?

- On doit en finir.

- Mais on doit se rendre au poste ce matin, tu te souviens ?

Mon ami émet un rire nerveux.

- D'abord, on règle un truc dans ce foutu temple, ensuite, on y va. J'ai le sentiment que nous n'avons pas tout vu.

- Et tu comptes t'y rendre comment ?

- Le frère de Julien est dans les environs, il va au chalet pour le week-end.

- Donc tu as dit à son frère que l'on partait à la chasse aux sorcières ?

- Non. On va s'aérer l'esprit dans l'idéal pour réfléchir sur un projet particulièrement stressant.

- Il t'a cru ?

- Je crois.

Je souffle et je capitule devant Elio. C'est toujours difficile de lui refuser une nouvelle aventure, même si celle-ci peut être dangereuse, il a raison, on peut encore en apprendre sur la secte. Et puis prenons cela comme un pèlerinage pour rendre hommage à notre meilleur ami.

Je pars dans ma chambre préparer un sac à dos et enfiler des tenues plus chaudes pour la saison. L'hiver n'est pas encore là, mais la neige oui, le sentier peut vite devenir glissant et je ne veux pas que l'on meure d'hypothermie là-haut. Revenu au salon, je découvre Elio, le nez plongé dans mes notes, il veut vérifier une dernière fois, juste pour être sûr. Toute cette préparation est angoissante, comme si nous répétons une entrée sur scène, la première et la dernière. Avant que le frère de notre meilleur ami, je décide de sortir le Livre des Démons d'Hempetua pour ne jamais oublier à cause de qui tout cela a commencé.

Elio est plongé dans mon carnet, l'air nerveux. Il a l'impression que l'on se heurte à une muraille impénétrable, comme si le fait de les dénoncer ne nous mènerait nulle part. Il y a un risque assez élevé que la police ne tombe que sur des grains de poussière en commençant l'enquête. Les membres vont certainement disparaître un à un pour nous laisser seuls, érigés en menteurs auprès de tous. Elio continue de lire en me demandant si tout va bien étant donné que ma jambe tremble. Je me lève pour marcher dans mon salon et respirer comme je peux.