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Le soleil de plomb au-dessus de ta tête te faisait suer à grosses gouttes et ton énorme pull en laine ne t'avait jamais autant collé à la peau. Pourtant, tu n'avais pas envie de l'enlever et préférait affronter la chaleur, plutôt que de devoir dévoiler tes formes. Il était hors de question que tu affrontes les regards des passants et encore moins leurs réflexions, chose que tu ne supportais pas. Même si ton ami te rappelait sans cesse que tu étais belle et ne devais plaire qu'à toi-même, tu ne pouvais t'empêcher de complexer.

Ta famille ne cessait de te dire qu'il y avait pire et que tu n'avais pas matière à te faire du souci, mais qu'est-ce qu'ils pouvaient en savoir? Ils ne vivaient pas dans le corps que l'on t'avait attribué et ne pouvaient pas te comprendre. Certes, peut-être que tu exagérais en parlant comme ça de tes formes, mais tu avais toujours été comme ça, n'ayant jamais eu une once de confiance en toi. Que ce soit pendant ton enfance ou aujourd'hui, rien n'avait changé et tu assistais encore et toujours au même spectacle, ayant la place de clown.

Tu avais gâché la plupart de ton enfance en te préoccupant de ton poids et refusais de sortir avec les quelques amis que tu avais pour ne pas attirer l'attention sur toi. Tu n'avais jamais surpassé ta timidité et préférait te fondre dans la masse. Tu n'arrivais pas à être aussi libre et extravertie qu' eux, même si tu les enviait beaucoup. Quant aux garçons, tu n'osais pas y penser car ça ne servait à rien. Tu n'avais presque jamais eu de petit-ami à proprement parler et encore moins de rapports intimes avec qui que ce soit.

Pour toi, tes études te suffisaient amplement et tu ne voulais pas perdre ton temps avec ça. Tout l'inverse de ton meilleur ami, Oejin, qui passait beaucoup trop de temps dans la salle de bain à ton goût. C'était un garçon qui aimait prendre soin de lui et qui faisait des ravages à chacun de ses passages. Il se faisait aussi souvent juger pour son homosexualité, qu'il revendiquait tout haut, mais pouvait bien se ficher de ce que les gens pensaient de lui. Vous étiez un peu le jour et la nuit mais c'était bien le seul qui t'appréciait pour ce que tu étais.

Car il faut dire qu'avec ta dégaine banale, tu n'attirais personne. Tes cheveux coupés dans un carré négligé et complètement décoiffé encadraient un visage aux joues rebondies, surmontées d'une paire de lunettes au style old school. Tu cachais ta poitrine que tu trouvais trop généreuse et ton ventre potelé sous d'énormes pulls en laine ou sous des vestes bien trop grandes pour toi. tu les prenais bien longues pour qu'elles puissent cacher le plus possible tes cuisses, simplement vêtu de jeans tous plus foncés les uns que les autres, espérant pouvoir un peu te mincir. Un bon look de nerd qui te collait à la peau.

Oejin avait déjà essayé de te relooker mais tu avais immédiatement refusé, ne tenant pas à te retrouver habillé comme toutes ces filles qui vont en boite pour se trouver un coup d'un soir. Tu te sentais à l'aise dans tes vêtements et c'est tout ce qui comptait. Ces habits ne te mettaient pas forcément en avant, tu le savais très bien, mais tu t'y étais habitué au fil du temps.

Et puis, tu n'y pouvais rien, tu aimais juste trop manger et n'arrivais pas à te priver. C'était ton petit réconfort et personne ne pouvait t'enlever ça, déjà que tu n'avais presque rien pour toi. Tu ne sortais presque pas et t'ennuyais tellement dans ton petit appartement, que tu mangeais pour compenser. Peut-être que c'était dans tes gênes et que tu finirais comme tu étais, malgré tous les efforts que tu pourrais faire. Ton mal-être était constamment présent et tu pouvais passer des journées entières à pleurer sur ton sort, ayant presque des fois réussi à te détester.

Tu soupires et serre un peu plus tes livres contre toi pendant que tu déambules en ville pour rentrer chez toi, venant de quitter le campus où tu étudies l'écriture. Tu avais toujours eu une passion pour ça depuis ton plus jeune âge et ça avait été une évidence pour toi, d'étudier plus profondément cet univers. C'était la seule chose qui te permettait de t'évader et de te créer un monde parfait où tu serais la belle et magnifique héroïne. Tu lâches un petit cri quand quelqu'un te rentre dedans, tes livres tombant au sol. Tu t'accroupis tout de suite pour les ramasser et remarque l'inconnu en faire de même. Tu les rassembles le plus vite possible et te relève, le garçon en face de toi te tendant les derniers. Tu clignes plusieurs fois des yeux en le regardant et ne te rends pas compte que tu t'es mise à la détailler.

Il était plus grand que toi de seulement quelques centimètres et paraissait être sorti d'un magazine de prêt-à-porter. Tes yeux tombent sur ses lèvres pulpeuses qui paraissent bien rose à côté de ses cheveux sombres, et descendent lentement sur son corps. Il était habillé d'un t-shirt trop grand qui laissait voir ses clavicules et tu devinais au vu de ses bras, qu'il avait l'air assez musclé. Ses yeux se plissent légèrement quand il se met à rire doucement, te sortant de ton admiration. Tu rougis violemment quand tu remarques que tu n'as pas été discrète en le détaillant.

" Désolé de t'être rentré dedans, tu n'as rien? ", tu clignes des yeux et ouvre la bouche pour parler, sentant ton coeur battre à tout rompre et tes mains deviennent moites.

C'était pile ce que tu détestais, parler à un inconnu surtout quand il était de ta tranche d'âge et aussi beau. Encore une fois, tu allais sûrement te ridiculiser en bégayant...mais ce n'était pas comme si tu avais une quelconque chance avec un garçon pareil. Et puis, il devait sûrement avoir une petite-amie aussi belle que lui. Tu remontes tes lunettes qui glissent sur ton nez et secoue négativement la tête.

" Je...euhm...n-non. Je n-n'ai ri-rien. ", il te sourit et tu te retiens d'en faire de même, ne voulant pas que tes joues paraissent encore plus grosses. Tu te gifle mentalement et voudrais disparaître dans un trou de souris.      

" Tu es sûr? Tu es toute rouge... ", tu te dépêches de lisser tes cheveux de chaque côté de ton visage dans un geste nerveux.

" Je v-vais...y aller. ", tu le bouscule légèrement en passant à côté de lui et t'élance tête baissée dans la foule, priant pour que tes jambes te portent le plus vite possible chez toi.

Le garçon te regarde disparaître entre les nombreuses personnes présentes en ville, un sourire sur les lèvres. Il avait trouvé mignonne la façon dont tu avais bégayé et rougie pour lui adresser la parole. Pourtant, c'était un tout autre genre de pensées qui se formaient dans son esprit. Ta visible innocence l'avait vraiment excité au point qu'il priait déjà pour te rencontrer de nouveau. Tu étais certes, différente des autres, mais tu ne l'avais pas laissé indifférent, son esprit commencant déjà à imaginer les formes qui pourraient se trouver en dessous de ce gros pull hideux.

Tu n'étais pas le style de fille qui l'attirait particulièrement, mais il ne pouvait s'empêcher de s'imaginer te faire mille et une choses les plus sales, juste pour te faire enlever cet air enfantin que tu trimballais avec toi. En reprenant la route avec un de ses amis, Park Jimin ne pouvait s'empêcher de penser à toi...

*

En arrivant finalement essoufflé à ton appartement, tu jettes tes livres sur ton canapé et te dirige vers ton frigo pour te rafraîchir. Tu enlèves finalement ton pull en le balançant sur une chaise, car tu ne comptais plus sortir aujourd'hui et tu osais seulement te dévoiler sans personne autour de toi. Tu reviens dans ton salon un peu exiguë mais largement fonctionnel pour toi, et attrape machinalement un de tes cahiers. Tu l'ouvre et enlève le capuchon de ton stylo avec les dents avant de commencer à griffonner. Ta rencontre avec ce garçon t'avait un peu inspiré et tu ne voulais absolument pas attendre de perdre toute tes idées pour écrire. C'était fou comme une simple rencontre pouvait vous affecter. Tu ne le connaissais ni d'Ève ni d'Adam, mais il avait réussi à laisser une marque dans ton esprit, au point où tu en écrivais déjà une longue page.

Seulement, tu n'étais pas ce genre de personne à avoir de la chance en rencontrant un beau garçon qui t'aimerait comme tu es. Non, les seuls garçons qui t'adressaient la parole te demandent juste la route ou se moquent de toi en te demandant pourquoi tu es si grosse. Tu souffles et referme rageusement ton cahier, n'ayant soudainement plus envie d'écrire. Encore une fois, tu avais gâché ta journée...

N.E.R.DOù les histoires vivent. Découvrez maintenant