4

77 4 0
                                    


Tu pleurais à chaudes larmes, les genoux contre ta poitrine, et suffoquais presque. L'un des seuls t-shirts que tu osais porter chez toi était mouillé à cause des torrents de larmes qui coulaient sur tes joues, trempant au passage tes lunettes que tu finis par retirer. Tu t'en voulais de réagir pour si peu, après tout tu avais déjà vécu pire. Pourtant, cela te faisait toujours aussi mal que les premières fois. Tu devrais sûrement en vouloir au monde entier mais pourtant, tu n'y arrivais pas. Personne n'était responsable de ton état et tu le savais très bien. Mais c'était plus fort que toi et tu étais toujours autant meurtrie.

Tu étais juste allée faire quelques courses au supermarché du coin, et cette simple excursion avait tourné au cauchemar. Tu avais déambulé pendant un moment entre les rayons avant que tu ne juge que tu avais assez de produits pour tenir pendant une bonne semaine. Tu avais donc été tout naturellement attendre à la caisse quand un petit garçon t'avait méchamment interpellé. Il t'avait demandé pourquoi tu étais si grosse et tu n'avais pas tout de suite su répondre, te prenant complètement de court. Des bafouillements incompréhensibles s'étaient échappés de ta bouche et tu avais limite supplié du regard la mère de l'enfant pour qu'elle intervienne.

Ce qu'elle avait fait. Mais pas de la manière dont tu aurais pensé. Elle avait juste repris son fils en lui interdisant de parler à des inconnus et tout en te dévisageant, elle lui avait répondu que tu étais sûrement comme ça parce que tu t'en foutais de ton apparence. Toutes les personnes à la caisse et aux bords des rayons t'avaient fixées et avaient commencé à parler à voix basse avec leur compagnon. Dans toute ta vie, tu en avais connu des humiliations, mais jamais de la sorte. Surtout venant d'une mère qui est censée éduquer son enfant avec des vraies valeurs et un esprit ouvert sur le monde.

Oui tu étais grosse, mais qu'est-ce que ça pouvait leur faire? Tu étais sûr à cent pour cent que ça ne les empêcherait pas de dormir et toi non plus. Enfin... Après cet épisode, tu ne voulais plus jamais sortir de chez toi pour recroiser des personnes aussi mesquines et sans coeur. Pourquoi tout le monde était toujours obligé de juger son prochain? Pourtant, tu en avais croisé des personnes qui étaient plus que banales et avec des défauts physiques perceptibles, mais tu n'avais jamais rien dit et l'avais juste pensé pour toi-même. Rien de plus, rien de moins.

Le monde était rempli d'abrutis et cela n'était pas prêt de changer, hélas... Tu souffles, tes lèvres tremblant encore, et te lève à contre-cœur quand la sonnette de ton appartement retentit. Tu cries à la personne que tu arrives et vérifie ton apparence dans le miroir, ne tenant pas à faire peur à ton visiteur. Tu essuies tes joues mouillées et enfile une large veste de survêtement sur toi, lissant tes cheveux. Tes yeux n'étaient plus tellement rougis et tu remets même tes lunettes. Tu poses une main hésitante sur la poignée, ne voulant pas tellement avoir de la visite aujourd'hui, et ouvre quand même la porte.

Tu n'aurais pas pu tomber sur pire. Pablo était là, son sourire éclatant toujours sur les lèvres, et simplement vêtu d'un bermuda avec une chemise. Tu forces un sourire et soupirs intérieurement. C' était bien la dernière personne que tu avais envie de voir aujourd'hui. Pablo était très serviable et très gentil, mais il pouvait aussi se montrer très...collant? Voir même trop collant.

" Hola bela! Qu'est-ce que tu fais enfermé par un temps pareil? ", tu manquerais de rire à son accent fort prononcé mais n'en a pas la tête à ça aujourd'hui.

" Je me repose et compte finir quelques dissertations. Qu'est-ce que tu viens faire ici? ", il lève les yeux au ciel quand tu parles de ton travail, mais ne perd pas son sourire.

" Tu te rappel quand tu m'as dit que tu me rendrais un service? Eh bien c'est le jour parfait! Il fait super bon et je connais un resto thaï super sympa. ", tu secoues la tête et te demande déjà comment tu vas faire pour t'en débarrasser.

" Euhm...Pablo, tu aurais dû d'abord me prévenir. Ce n'est pas le bon jour aujourd'hui, désolé. Une autre fois, peut-être? ", il semble déçu mais se ressaisit bien vite et tu sais que ce n'est pas bon signe.

" Je ne te demande que ça, s'il te plait! On part maintenant et je ne te ramène pas trop tard, d'accord? Allez, tu m'en dois une. ", tu fermes les yeux et accepte en soufflant.

De toute façon, c'était soit ça ou rester sur le palier de ta porte à inventer mille et une excuses pour qu'il te laisse tranquille. Tu te retrouves alors là, sur une chaise un peu trop raide pour toi, écoutant le mexicain d'une oreille distraite. Au moins, la bouffe était bonne...

" Ah, et tu as réfléchi à ma proposition? ", tu inclines la tête en pensant à toute allure, essayant de te rappeler ce qu'il t'avait demandé.

" Quelle proposition? ", il rit légèrement en mangeant.

" Tu sais...pour la peinture... ", tu baisse la tête sur ton assiette et sens tes joues chauffer.

" Parce que t-tu étais...sér-sérieux? ", tu n'ose pas le regarder, préférant éviter ce genre de moment gênant. Tu regrettais de ne pas être dans ton canapé, sous une pile de couvertures, avec toute sortes de gâteaux pour te tenir compagnie devant un bon film.

" Bien sûr que je l'étais! Je n'attends que ça, à vrai dire. Tu sais, les gens autour de toi ne voit peut-être pas ta beauté mais moi si, tu devrais avoir confiance en tes formes. Moi, je les adore. ", tu ne savais absolument pas comment prendre ceci. C'était encore peut-être un compliment de sa part, mais pas à tes yeux.

" Pablo, tu sais déjà ce que j'en pense. Et si on pouvait changer de sujet, ce serait très sympa de ta part. ", il soupir mais n'insiste pas plus...seulement pour aujourd'hui. Car tu savais très bien qu'il reviendrait à l'attaque.

Qu'est-ce qui pouvait bien se passer dans sa tête pour qu'il veuille peindre quelqu'un comme toi, nu? C'était impensable, mais visiblement pas pour lui. Votre repas se finit dans une légère gêne de ton côté mais il ne semble pas le remarquer. Au moment où tu tente de sortir, quelqu'un se fige devant toi, laissant échapper un petit rire moqueur.

" Je vais finir par penser que tu me suis! ", tu n'aurais pas pu rêver pire. Pablo et ensuite lui? Pourtant au fond de toi, tu aurais limite eu envie de rester avec lui. Ce serait mentir en disant que Jimin ne te fait pas tourner la tête.

" Pardon...je... ", tu te mets sur le côté pour lui laisser la place de pouvoir passer. Il avance mais se retourne aussi vite vers toi.

" Tu es toute seule? Tu pourrais te joindre à moi, un ami va me rejoindre. ", tu n'as pas le temps de répondre que Pablo arrive et passe un bras autour de tes épaules. Il était très tactile, à ton plus grand damne.

" Tu le connais? ", tu hoche la tête vers Pablo et remarque que Jimin a un peu perdu son sourire, dévisageant d'un oeil acéré le nouveau venu.

" Bien, je vois que tu as de la compagnie alors je vais vous laisser. J'espère que l'on se recroisera, ma belle. ", il te lance un clin d'oeil et se fond parmi les gens du restaurant.

Pablo te tire dehors, son bras toujours sur toi, et semble un peu agacé. Lui qui était toujours souriant, c'était bizarre de le voir dans cet état. Tu ne dis rien et l'entends finalement marmonner.

" Pour qui il se prend à t'appeler comme ça? Chorra... ", tu ne tiens pas à relever et prétexte avoir mal au dos pour qu'il te lâche.

Une part de toi était contente qu'il soit intervenu avant que tu ne te ridiculises encore plus devant Jimin, mais l'autre part était déçu de ne pas être resté plus longtemps. Tu aurais même presque eu envie de te justifier pour Pablo, car Jimin avait sûrement dû croire qu'il était ton petit-ami. Chose impossible. Encore une fois, cette journée n'avait pas été des plus belles. Tu commencais vraiment à t'y habituer maintenant...    

N.E.R.DOù les histoires vivent. Découvrez maintenant