De l'autre côté du miroir

1 0 0
                                    


Les infirmières du service maternité de l'hôpital Laennec s'émerveillaient devant une petite fille, née le matin même. Le bébé s'appelait Lune Evernicla. 

En à peine une heure, Lune était devenue la principale source de curiosité des infirmières. Elles se la passaient de bras en bras. La plus vieille infirmière du service affirmait à qui voulait l'entendre, qu'en vingt ans de carrière, elle n'avait jamais vu un nouveau-né avoir des yeux pareils. Et effectivement, personne n'aurait pu la contredire.

Lune avait des yeux violets, clairs et perçants. Et un regard qui semblait déjà tout comprendre. Elle avait aussi une tâche de naissance en forme de demi-lune sur la main gauche.

Souain, un petit garçon blond, avec les mêmes yeux sublimes, toqua à la porte. Il déclara timidement :

"Maman ne se sent pas très bien."

Avant que toutes les infirmières se soient précipitées, il demanda avec la même petite voix :

"Je peux récupérer ma soeur ?

-Tout à l'heure, lui répondit avec douceur la vieille infirmière. Viens avec nous."

Dans la chambre d'hôpital, les machines s'affolaient. Madame Evernicla était pâle et était recouverte d'un épais film de transpiration. Ses étranges yeux, les mêmes que ses enfants, étaient vitreux. Elle répétait frénétiquement :

"Mes enfants, je veux voir mes enfants".

Pendant que son fils s'approchait, l'infirmière lui posa son bébé sur la poitrine. Une larme s'échappa et coula lentement sur son visage.

"Nathanaël, prends la chevalière de ton grand-père."

Elle lui fourra dans la main une chevalière en or, où était gravé un D calligraphié, entouré de toutes les phases de la lune. Nathanaël essaya de la mettre à son doigt mais ses mains étaient encore trop petites. Madame Evernicla lui releva la tête et l'observa intensément :

"Promets-moi que tu prendras soin de ta soeur."

Elle se tourna vers son mari que personne n'avait encore remarqué. Il se tenait dans le coin de la pièce, l'air terrifié. Il se contenta de hocher la tête de haut en bas. Elle regarda de nouveau son fils et redis d'une voix faible :

"Promets-le moi !

-Je te le promets".

Une minute plus tard, Madame Evernicla était morte.

Quinze ans avait passé. Monsieur Evernicla n'avait pas de tenu sa promesse. C'était même tout le contraire. Lune et Nathanaël en avaient une peur bleue. Depuis la mort de sa femme, c'était devenu un homme dur et froid. Dans ses meilleurs jours, il était indifférent à tout ce qui l'entourait, surtout ses enfants.

Dans ses pires jours, ceux où il buvait jusqu'à en perdre la tête, il était possédé par une colère ignoble. Il cassait tout ce qu'il lui tombait sous la main et quand il ne restait rien, il cherchait un prétexte pour accuser ses enfants. Ce pouvait être un regard de travers, un cahier mal rangé ou un éternuement.

Mais Nathanaël ne se laissait plus avoir. Dès qu'il entendait des bruits d'objets cassés, il prenait sa soeur par le bras et l'entraînait dans le débarras. Bien que poussiéreuse et mal rangé, cette pièce avait l'avantage d'être la seule qui se fermait à clef. Au centre trônait un immense miroir en or, derrière lequel Lune et Nathanaël se cachaient. Monsieur Evernicla avait beau s'acharner contre la porte, elle n'avait jamais cédé en quinze ans.

Ce jour-là, Monsieur Evernicla se montra plus déchaîner que jamais. Comme il ne restait plus grand chose à casser et qu'il avait déjà brisé toutes les bouteilles de bières vides contre la grande table du salon, il monta directement à l'étage pour chercher ses enfants. Il avait la voix roque et empestait l'alcool. Il tenta de défoncer la porte. Les gonds manquèrent de se détacher plusieurs fois.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jul 31, 2023 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

La malédiction de NoctapolisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant